La mer Rouge est un espace quasi fermé avec deux verrous (le canal de Suez au nord et le détroit de Bab el-Mandeb au sud) qui relie la Méditerranée à l’océan Indien, au carrefour de plusieurs mondes : l’Asie, l’Afrique, l’Europe. Elle est donc considérée comme une zone éminemment stratégique, carrefour du commerce mondial. En quelques chiffres, la mer Rouge mesure 2 200 km de long, 300 km de large, à moins de 30 km entre Djibouti et le Yémen. Elle représente 10 % du commerce mondial et 10 % du pétrole mondial y circule.
Les voies stratégiques
Le canal de Suez : ouverture en 1869, la nationalisation du canal par le Président égyptien Nasser en 1956 est un tournant géopolitique, Français et Britanniques cèdent la place aux États-Unis et à la Russie. La fermeture a eu des conséquences dramatiques, comme après la guerre des Six Jours, lorsque les navires furent obligés de passer par le cap de Bonne-Espérance pour trafiquer.
Le détroit de Bab el-Mandeb : sépare le Yémen de Djibouti, point névralgique pour le commerce en hydrocarbures.
Le détroit de Tiran : offre à Israël et à la Jordanie un accès direct à la mer Rouge.
Les centres et périphéries
On y trouve sur ses rives des centres religieux : Médine, la Mecque, des ports plus ou moins importants en Arabie saoudite (Djeddah, Yanbu), en Égypte (Suez, Port-Saïd), en Israël (Eilat), en Jordanie (Aqaba), au Soudan (Port-Soudan) ou au Yémen (Hodeïda).
Cependant, cette zone peut-elle devenir un nouveau centre économique ? En effet, en 2017, l’Arabie saoudite annonce le gigantesque projet NEOM, destiné à être une mégacité ultratechnologique centrée sur l’intelligence artificielle, avec un budget de 500 milliards de dollars, la ville est déconnectée juridiquement du reste du Royaume, volontairement éloignée de tous les centres urbains du pays. Celle-ci permet d’affirmer l’autorité et la présence de l’Arabie saoudite sur la mer Rouge, loin du golfe et de ses ressources en hydrocarbures.
Terminaux pétroliers : Arabie saoudite (Yanbu) + aboutissement du pipeline est-ouest, rôle stratégique car permet d’éviter le détroit de Bab el-Mandeb.
Espaces stratégiques : balnéaire (Égypte, Israël), religieux (Arabie saoudite), historique (Sinaï).
Un espace faiblement intégré
La mer Rouge est néanmoins un espace faiblement intégré. De fait, en 2019, l’Arabie saoudite annonce la tentative de la constitution d’un Conseil de la mer Rouge avec huit pays riverains.
Elle est également le lieu de fragmentations religieuses, socioéconomiques, politiques, démographiques ou encore géopolitiques. S’y constituent également alliances ou proximités géopolitiques, comme la normalisation des relations entre l’Égypte et Israël, ou encore entre la Jordanie et Israël.
On constate également une proximité Égypte-Arabie saoudite, toutes deux hostiles à l’égard des Frères musulmans.
Les intérêts par pays
États-Unis
2003 : installation du QG d’AFRICOM, dont les opérations visent le continent africain à Djibouti, mais ils ne possèdent pas d’ancrage permanent en mer Rouge, présence de la Ve flotte.
2022 : création d’une force navale Navcent, lutte contre le trafic d’armes autour du Canal de Suez, le golfe d’Aden, le golfe d’Oman.
Chine
2017 : première base militaire hors frontières à Djibouti et construction de la ligne de chemin de fer Djibouti-Addis-Abeba, Tunisie.
Union européenne
Présence de la Force navale européenne (EUNAVFOR) à Djibouti.
Turquie
Implantation sur l’île de Souakim (Soudan) à proximité de Djeddah et des lieux saints. Elle s’inscrit alors dans les rivalités régionales et le rapprochement avec le Qatar en raison du soutien aux Frères musulmans.
Russie
Années 1990 : retrait russe de la zone.
Années 2010 : volonté de réinvestir l’espace (base navale et aérienne de Tartous et navale de Lattaquié) et projet de Port-Soudan.
Japon
Lutte contre l’influence chinoise et la piraterie.
États-Unis
Obtention de points d’appui sur la côte africaine (Assab et Barbera et Somalie) et également dans le golfe d’Aden pour le contrôle du détroit de Bab el-Mandeb.
Qatar
Proximité avec le Soudan et en 2018, quatre milliards de dollars sont investis entre le Soudan et le Qatar destinés à la rénovation du port de Souakim.
Iran
Proximité avec le Yémen pour soutien des rebelles houthis, pays minuscule d’un million d’habitants + militarisation de ce goulot d’étranglement.
Les conflits
Ils sont interétatiques (IP, Éthiopie-Soudan), civils (Somalie, Yémen), terroristes (Yémen [AQ], Sinaï [État islamique], Somalie [Al-Chabab]), latents (sécurisation voies maritimes, Nil, Jourdain). De plus, il existe un risque de fragmentation de l’Éthiopie.
N’hésite pas à consulter tous nos articles de géopolitique !