océan Indien

Bienvenue dans cette étude de cas sur l’océan Indien. Zone de rencontre, de fracture, de compétition et de coopération, il s’agit d’un nœud géopolitique de premier plan.

Fait d’actualité : l’océan Indien, zone de rivalité croissante entre l’Inde et la Chine

En mars 2024, l’Inde annonce l’entrée en service d’une nouvelle base navale à Minicoy, dans les îles Lakshadweep, à 150 km des Maldives. Cette annonce intervient juste après que les Maldives ont rompu leur collaboration avec l’Inde pour se rapprocher de la Chine.

Selon le chef de la marine indienne, cette base « revêt une importance considérable, non seulement pour la marine indienne, mais aussi pour la sécurité maritime et la position stratégique du pays dans la région indo-pacifique ». Dès le mois de mai, les Maldives ne toléreront plus la présence de militaires indiens sur leur territoire.

Cet affrontement indirect entre la Chine et l’Inde fait suite à la publication d’une carte par le ministère chinois des Ressources naturelles, sur laquelle des zones indiennes ou contestées ont été présentées comme appartenant à la Chine.

L’océan Indien, zone de rencontre et de fracture

L’océan Indien est le troisième océan le plus vaste du monde (75 millions km2), après le Pacifique et l’Atlantique. La région associée à cet océan compte 2,8 milliards d’habitants, soit 40 % de la population mondiale. Elle inclut de nombreux pays comme l’Inde, le Pakistan, l’Iran, la Somalie, la Birmanie, la Malaisie ou encore l’Australie.

L’océan Indien est relié à l’Atlantique et à l’Afrique du Nord par un certain nombre de points de passage stratégiques (golfe d’Aden, détroit de Bab el-Mandeb, mer Rouge, canal de Suez), mais aussi au golfe Persique via le détroit d’Ormuz. À l’Est, le détroit de Malacca et le projet thaïlandais du canal de Kra facilitent également l’accès à l’Océan Indien. Celui-ci est au cœur des voies maritimes stratégiques et commerciales mondiales, notamment celles du pétrole et du gaz issus du Moyen-Orient, et clés de la sécurité énergétique chinoise.

L’océan Indien, zone de rencontre et de fracture à tous les niveaux

Une zone de rencontre, tout d’abord, puisque l’océan Indien joue le rôle d’interface entre différentes civilisations : islamique, occidentale, bouddhiste, confucéenne. Une zone de fracture, cependant, entre des modèles politiques qui s’opposent : régimes autoritaires (Pakistan), démocraties (Afrique du Sud, Inde), États faillis (Somalie, Yémen) et zones grises, aussi appelées antimondes.

De la même manière, les écarts de développement sont forts et nombreux dans cette région du monde. On observe une minorité d’États très développés (Australie, Singapour, Qatar), une majorité au développement moyen, et 12 États faisant partie des 20 aux IDH les plus faibles de la planète.

L’océan Indien est aussi un espace de risques : catastrophes naturelles (tsunami en 2004 au large de Sumatra), piraterie, terrorisme en mer ou à partir de la mer (Somalie, Pakistan). Pour y faire face, des coalitions navales internationales ont été mises en place, comme la Task Force 151 autour de la Corne de l’Afrique, ou l’opération européenne Atalante. Toutefois, l’organisation régionale reste trop faible à ce sujet.

L’océan Indien, zone de compétition et de coopération

De nombreuses puissances souhaitent tirer le bénéfice de cet océan. L’Inde, par exemple, fabrique un porte-avions ainsi que des installations militaires sur les îles Andaman et aux Seychelles, soulevant le thème du conflit pour l’appropriation du territoire. Sa militarisation croissante est couplée à la volonté du déni d’accès. En effet, l’océan Indien est un outil incontournable dans la stratégie indienne de réorientation vers l’Asie, Look East Policy (1991) devenue Act East Policy en 2014. L’objectif est-il de transformer cet océan Indien en mer indienne ?

Les États-Unis restent cependant la principale puissance militaire dans cet espace, avec la VIIe flotte, et une base militaire sur l’île britannique de Diego Garcia. Ils font également partie d’une alliance stratégique, le QUAD (Quadrilateral Security Dialogue), avec l’Australie, le Japon et l’Inde. Le QUAD a pour objectif de contrer les velléités expansionnistes chinoises. Dans cette région, les deux rivaux principaux de la Chine sont l’Inde et les États-Unis, d’où le double intérêt de l’alliance.

Face à la présence étasunienne, trois options se présentent pour la Chine

Il s’agit du dilemme de Malacca :

  1. Accepter l’hégémonie des États-Unis et leur déléguer la protection de ses routes commerciales, malgré la dépendance et la vulnérabilité.
  2. Adopter des stratégies alternatives pour réduire cette vulnérabilité.
  3. Adopter une stratégie proactive de défense de ses intérêts outre-mer, au risque de faire monter la tension.

La deuxième option semble favorisée par la Chine, à travers la stratégie du collier de perles, consistant à construire un réseau de bases militaires en Asie, en particulier sur les littoraux. La Chine détient ainsi des ports en Birmanie, au Bangladesh, au Sri Lanka ou encore au Pakistan. Depuis 2013, la Chine développe aussi le projet BRI (Belt and Road Initiative), anciennement OBOR, des nouvelles routes de la soie. Les pays concernés par ce projet affrontent un paradoxe : ils souhaitent bénéficier de la croissance économique chinoise, mais craignent les ambitions régionales de Pékin.

L’intégration régionale prend différentes formes, avec plus ou moins de succès. La zone d’intégration régionale la plus célèbre de l’océan Indien est l’ASEAN (Association des nations d’Asie du Sud-Est). Créée en 1967, elle inclut les États d’Asie du Sud, ceux de l’Est de l’océan Indien, mais pas ceux de sa partie occidentale. Le RCEP (partenariat économique régional global), projet d’intégration à but économique signé en 2020, est devenu la zone de libre-échange la plus vaste du monde. Elle regroupe 15 États d’Asie, dont la Chine.

Quelques thèses

Alfred T. Mahan (1840-1914) : « Whoever controls the Indian Ocean dominates Asia. This Ocean is the key to the seven seas. In the XXIst century the destiny of the world will be decided on its water. »

Robert Kaplan, Monsoon: The Indian Ocean and the Future of American Power (2010) : l’auteur voit dans l’océan Indien un « nouveau pivot géostratégique mondial ». L’océan Indien est « le lieu où la rivalité entre les États-Unis et la Chine dans le Pacifique s’emboîte avec la rivalité régionale entre la Chine et l’Inde, ainsi qu’avec la lutte des États-Unis contre le terrorisme islamique au Moyen-Orient ». L’océan Indien est donc un espace qui catalyse et concentre des rivalités, de même échelle ou non, dont les effets se répercutent sur les autres conflits en cours.

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