« Mort cérébrale », place de la Turquie, divergences transatlantiques…, l’OTAN a soufflé ses 70 bougies dans un climat d’incertitude et de trouble. Pourtant, nul ne saurait oublier le rôle majeur de cette organisation dans l’histoire du XXème siècle. Serait-elle devenue obsolète ? Dans quelle mesure une refondation pourrait-elle changer la donne ? Il s’agira dès lors d’analyser les possibles mutations et rapports de forces au sein de la plus grande organisation militaire au monde. Que ce soit dans un sujet sur l’Europe, les États-Unis ou le Moyen-Orient, il est fort probable que tu sois amené à utiliser ses 4 lettres dans ta prochaine dissertation, alors autant être le plus précis possible.

L’OTAN en bref

Histoire de l’Alliance

Le 4 avril 1949, après négociations, la signature du traité de Washington marque officiellement le début de l’OTAN. Signé par les 12 premiers membres, il pose les bases d’une culture stratégique commune, fidèles aux réalités géopolitiques post 1945. Fruit d’une longue réflexion, c’est Ernest Bevin ministre britannique des Affaires étrangères qui a défendu l’idée d’un « traité d’alliance et d’assistance mutuelle » un an auparavant. Dans le contexte de guerre froide, l’objectif premier de l’OTAN était de faire front commun face à la menace soviétique. La présence américaine en Europe répondait ainsi à un double objectif. La lutte contre l’endiguement communiste et l’empêchement d’un retour du militarisme nationaliste.  L’article 5 de sécurité collective en est la base : celui-ci stipule qu’une « attaque armée contre l’une ou plusieurs [parties]… sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties ».

Quelques années plus tard, le déclenchement de la guerre de Corée en 1950 va faire prendre conscience à l’OTAN de se doter de réelles capacités militaires. C’est la naissance du commandement intégré. Après la fin de la guerre froide, l’OTAN va peu à peu s’élargir vers l’Est (Pologne République Tchèque, Hongrie en 1999) tout en menant des opérations multiples (ex-Yougoslavie, Géorgie, Kosovo…)

Quelle est la mission de l’OTAN ?

La chute du mur de Berlin amorce un changement majeur de stratégie au sein de l’organisation. Désormais, l’alliance atlantique a pour but de maintenir la paix à travers une « approche globale », de la gestion de crise à la lutte contre le terrorisme. Les théâtres d’opérations sont multiples. Après être intervenu en Afghanistan avec la FIAS, et en Bosnie au nom du droit d’ingérence, elle assure désormais des missions au Moyen-Orient, en Afrique mais aussi en Méditerranée. Parallèlement, l’Alliance met en place diverses coopérations avec d’autres Etats à travers le dialogue méditerranéen par exemple.

Quelques missions en cours de l’OTAN :

Missions en cours Date de début Particularités/objectifs
Resolute Support Depuis 2015 Environ 12 000 hommes déployés en Afghanistan
Sea Guardian Depuis 2016 Déploiement d’une force maritime en Méditerranée (lutte contre le terrorisme, surveillance…) la France suite aux agissements de la Turquie quitte l’opération
Appui de l’OTAN pour la mission de l’Union africaine (AMISOM) Depuis 2007 Somalie

Comment fonctionne l’OTAN, comment se finance-t-elle ?

La question du budget est souvent l’objet de discordes entre les 30 membres. Donald Trump avait menacé à plusieurs reprises de quitter l’OTAN, reprochant aux Européens de ne pas assez contribuer à l’organisation. En effet, en 2006, les pays membre se sont engagés à consacrer 2 % de leur PIB aux dépenses militaires. Toutefois, ces dépenses ont été contraintes par un objectif de réduction de la dette dans un contexte de crise financière post 2008. La « règle des 2 % » souligne des déséquilibres à la fois en termes de volonté politique et de capacités militaires. À savoir, en 2019, neuf « alliés » consacraient moins de 2% à leur défense. Il faut souligner que le principal contributeur à sa défense reste indéniablement les États-Unis (leur budget représente deux tiers du budget total de tous les États membres), un moyen de pression souvent utilisé dans la rhétorique de Trump.

Pour ce qui est de l’organisation purement fonctionnel, chaque membre possède une délégation permanente au siège de l’OTAN à Bruxelles. De façon hebdomadaire, le Conseil de l’Atlantique présidé par le secrétaire général (chef officiel, actuellement le norvégien Jens Stoltenberg) se réunit pour évoquer les questions stratégiques.

Une organisation en prise à de multiples crises

Lors du 27ème sommet de l’OTAN en décembre 2019, les membres s’étaient mis d’accord sur la rédaction d’un rapport d’expertise sur les perspectives de l’organisation. Ce dernier dévoilé en décembre 2020 ne semble pas faire l’unanimité. Selon Pascal Boniface commentant le rapport, l’OTAN pratique « une langue de bois monumentale, une absence totale d’autocritique ». Comment l’organisation en est-elle arrivé là ?

Un frein à la souveraineté européenne ?

Le débat n’est pas nouveau. Dès 1966, il est sans rappeler le retrait français du commandement intégré. Pour cause, une volonté politique d’autonomie stratégique face à l’américanisation de l’organisation. À l’échelle européenne, l’OTAN empêcherait le Vieux continent de développer sa propre architecture de défense. En 1999, la signature des accords de Berlin plus ne vient que renforcer ce constat. En permettant à l’Union européenne d’utiliser les capacités de l’Alliance, cela a pour conséquence de limiter l’instauration d’une culture de défense européenne. D’autant plus que la présence américaine est bien réelle sur le continent. En Allemagne environ 35 000 sont stationnés sur le territoire.

Cette idée selon laquelle l’OTAN serait pour les États-Unis un moyen de régulation de l’Union européenne est défendu par une poignée de pays en Europe dont la France. Pascal Boniface dénonce à ce propos une « instrumentalisation des États-Unis » pour emporter avec eux les pays européens dans leur lutte contre la Chine. La règle des 2 % serait selon lui qu’un prétexte pour acheter du matériel américain. De plus, la nouvelle élection de Joe Biden ne devrait pas changer la donne. Celui-ci a affirmé vouloir entretenir un lien transatlantique très fort.

La Turquie et l’OTAN: vers le début d’un divorce ?

Depuis l’arrivée au pouvoir d’Erdogan, Ankara a changé son positionnement diplomatique. D’une politique otanienne aligné sur les États-Unis elle s’est progressivement tourné vers le monde arabo-musulman tout en se rapprochant de la Russie. Son statut de « membre » a fait l’objet de plusieurs remises en cause. Après l’achat controversé de S400 russe, en 2019, l’attaque turque contre les kurdes syriens avait provoqué un vent de colère au sein de l’OTAN au point que le président macron la déclare en état de « mort cérébrale ». Cet été, elle visait une frégate de la marine nationale Le Courbet en Méditerranée orientale. En conséquence, la France a refusé de participer à une opération de l’OTAN.

Ainsi, cette politique de plus en plus agressive nous amène à nous poser la question suivante : Pourquoi ne pas simplement rayer la Turquie de l’organisation ? Il ne faut pas oublier l’importance stratégique d’Ankara dans le dispositif de sécurité de l’OTAN. La Turquie est en effet une puissance démographique et qui exerce une influence en Asie de l’Ouest et en Méditerranée orientale. De l’autre point de vue, la Turquie n’aurait aucun intérêt à quitter l’organisation qui lui permet de placer des hommes dans les instances stratégiques et de jouer sur plusieurs terrains de jeu diplomatiques.

Des divergences et des singularités complexes

Outre les divergences européennes concernant sa souveraineté, l’Europe est loin de parler d’une seule voix lorsqu’il s’agit de l’OTAN. Les rapports sont contrastés selon les intérêts et l’histoire du pays. L’Allemagne repose principalement sur cette organisation malgré une certaine remise en cause dans la conscience collective allemande. L’armée américaine est pour cette raison bien implantée sur son territoire avec 21 bases militaires (soit environ 38 000 soldats) d’après l’US Army. Sujet d’autant plus polémique que Donald Trump a annoncé à plusieurs reprises vouloir réduire drastiquement le nombre de militaires en Allemagne. Sa raison ? Le pays aurait des « impayés » importants. Quant à la France, elle semble défendre seul l’idée d’une autonomie stratégique à l’échelle de l’Union européenne.

Dans les pays d’Europe centrale et de l’Est, la situation a pris une tournure très différente. Pour une raison avant toute stratégique marqué par la culture de la menace russe, l’OTAN tisse des liens très fort avec ces pays. Les pays baltes jugent nécessaire la garantie de leur sécurité par l’organisation transatlantique. La Pologne, elle, après son adhésion (1998) est intervenu en Afghanistan, en Irak tandis que Donald Trump n’hésite pas à saluer « l’alliance essentielle » entre les deux pays. De surcroit, cela permet aux États-Unis de déployer des troupes en Europe.

Perspectives et enjeux de refondation de l’Alliance

L’heure n’est pas pour autant au répit. Le dernier sommet de l’OTAN souligne à cet égard l’émergence de nouveaux défis. Premier enjeu: la Russie, qui est à nouveau désigné comme une menace. Selon le rapport du dernier sommet, « les actions agressives de la Russie constituent une menace pour la sécurité euro-atlantique ». En plus du terrorisme, l’organisation se dit confronté à des menaces « cyber et hybrides ». Enfin c’est la première fois que la montée en puissance chinoise est réellement mis en avant alors que l’« influence croissante et les politiques internationales de la Chine représentent à la fois des opportunités et des défis » selon le même rapport.

Ce qui semble manquer à l’OTAN, c’est la nécessité d’avoir des objectifs clairs et cohérents. Ainsi redéfinir son rôle pour le mettre en adéquation avec une approche contemporaine est primordial pour la cohésion et la pérennité de l’Alliance.