Je suis sûre que tu as déjà entendu parler de Raymond Aron, ce grand philosophe et historien français, par la définition qu’il a donnée de la puissance dans son ouvrage Paix et guerre entre les nations (1962). Il la définit en effet comme « la capacité d’une unité politique d’imposer sa volonté aux autres unités ». Mais à part cette définition, ses thèses peuvent aussi être utiles pour tes dissertations ou tes colles sur pas mal de sujets. C’est pourquoi je te propose ici de voir en détail cinq références et concepts clés, cités par Aron.
Pour un sujet sur l’Inde ou sur les rapports de puissance en Asie
Selon Aron, toujours dans son ouvrage Paix et guerre entre les nations :
« L’Inde est le seul État de dimension énorme dont les chances sont faibles de devenir une puissance, avec certes une conscience de civilisation commune, mais pas de conscience nationale. »
Il faut comprendre que l’auteur met en avant ici le décalage entre la puissance potentielle et la puissance effective de l’Inde, qui est toujours d’actualité soixante ans après l’écriture de son ouvrage.
Aron fait aussi référence aux problèmes d’identité de l’Inde et donc de l’ambiguïté quant à son positionnement dans les relations internationales. En effet, aujourd’hui, ce problème n’est toujours pas résolu entre ceux qui exaltent sa singularité et son asiatisme, et ceux qui mettent en avant le fait qu’elle peut faire office de « pont » avec les pays occidentaux.
On retrouve une difficulté pour l’Inde de mener une politique cohérente et lisible d’où cette impression de puissance (« État de dimension énorme » : le territoire et la démographie font partie des facteurs de puissance) et en même temps d’incohérence (« mais pas de conscience nationale »).
Sur le même thème, tu peux utiliser d’autres références, comme la citation de Jean-Luc Racine : « La Chine est déjà une puissance globale, là où l’Inde ne fait que devenir un acteur global. »
Tu peux aussi retrouver ici ou là d’autres articles Major-Prépa pour plus de détails.
Pour un sujet sur les États-Unis
Il s’agit d’un point historique pour nuancer leur affaiblissement dans les années 1970. Aron parlait de « règne du dollar découronné » pour évoquer l’affaiblissement partiel des États-Unis dans les années 1970.
En effet, tu dois savoir qu’en août 1971, le Président américain Richard Nixon a mis fin à la convertibilité du dollar en or, signant ainsi la fin du système de Bretton Woods. Le dollar était donc « découronné » de sa référence à l’or. Si sa disparition a pour cause l’affaiblissement relatif des États-Unis face à leurs principaux concurrents capitalistes, le dollar a su préserver son statut international au cours des décennies suivantes. La monnaie américaine était considérée comme une valeur refuge. En effet, les pays les plus vulnérables face aux crises monétaires, notamment les pays émergents d’Amérique centrale et du Sud, ont laissé leurs devises arrimées au dollar afin de résister à d’éventuels chocs systémiques.
Aron insiste donc sur le fait que la suprématie du dollar s’est maintenue en dépit des mutations et des crises intervenues à la suite du système de Bretton Woods. Les accords de la Jamaïque en 1976 (à retenir !) ont effectivement conforté l’hégémonie du dollar. Ils ont permis que chaque pays puisse choisir son régime de change mais, pour autant, beaucoup de pays sont restés arrimés au dollar.
Aujourd’hui, aucune crise n’a su mettre fin au règne du dollar, que ce soit la libéralisation financière, les déficits budgétaires et commerciaux, les endettements, le choc des crises financières (Krach boursier de 1987, crise financière majeure de 2008), sans oublier l’émergence de rivaux potentiels avec la naissance de l’euro et l’ascension économique de la Chine. Rien, depuis la fin des années 1970, ne semble pouvoir remettre en cause véritablement le statut international de la devise américaine.
Tu peux aller voir ici un article sur la dédollarisation.
Pour un sujet sur le positionnement de l’Union européenne sur la scène internationale
Système international/société internationale
Aron fait d’abord une distinction entre le système international et la société internationale. Pour lui, « le système international n’est qu’un aspect particulier de la société internationale ».
Il définit le système international comme un système dans lequel s’intègrent les États, chacun d’eux surveillant les autres afin d’assurer sa sécurité étatique. Quant à la société internationale, elle renvoie, selon lui, à l’organisation des relations interétatiques autour d’institutions et de normes que les États partagent et qui limitent leurs comportements.
Ainsi, l’analyse que l’on peut en faire dans une dissertation ou en colle, c’est bien que l’Union européenne serait conçue pour s’insérer de façon efficace dans la société internationale, mais son caractère particulier la limite pour s’insérer dans le système international, vu qu’elle n’est pas une entité politique souveraine.
Un système « à l’ombre de la guerre »
Aron fait remarquer que le système international est « à l’ombre de la guerre », c’est-à-dire que ce qui structure les relations, c’est d’abord le rapport de force.
Mais l’Union européenne n’est pas conçue à la base pour s’insérer dans un tel environnement.
Une structure monopolistique ou oligopolistique
Enfin, pour Aron, la structure du système est forcément monopolistique ou oligopolistique. Or, la propre organisation interne de l’Union européenne fait qu’elle ne peut pas prétendre à être un pôle organisateur en tant que tel, vu qu’elle a une faiblesse en matière d’exercice de la force.
N’hésite pas à consulter la fiche références sur l’Union européenne.
Pour un sujet sur les conflits et les guerres en Afrique subsaharienne
Pour Aron, dans son ouvrage Paix et guerre entre les nations :
« L’excès de faiblesse n’est pas moins redoutable pour la paix que l’excès de force. »
En effet, d’un côté, l’excès de force est redoutable pour la paix, car il se traduit par l’agressivité des États.
De l’autre, l’excès de faiblesse l’est tout aussi, puisqu’il se traduit par l‘incapacité des États à maîtriser leur territoire, entraînant la perte du monopole de la violence légitime ainsi que l’arrivée d’acteurs exogènes sur leur territoire.
Exemple de la Somalie
L’excès de faiblesse de la Somalie est redoutable pour la paix, dans la mesure où la crise somalienne actuelle, qui n’est aujourd’hui toujours pas résolue, fait craindre aux deux pôles principaux de la région, que sont le Kenya et l’Éthiopie, d’être à terme à leur tour déstabilisés.
En effet, durant les quinze dernières années sont intervenus l’Éthiopie, le Kenya, ou encore le Burundi, avec le soutien des États-Unis. Les islamistes somaliens, appelés les Shebab, sont toujours actifs et ont élargi leur champ d’action au Kenya et à l’Éthiopie. Ainsi, le fait que la Somalie soit un État failli en excès de faiblesse est une vraie menace pour la paix et la sécurité nationale et régionale.
Pour un sujet sur les États-nations (en Afrique ou dans la zone MENA)
Aron met l’accent sur le fait que la construction de l’État-nation est gênée par des facteurs endogènes : c’est une question de politique interne.
Exemple de la Turquie
C’est par exemple le cas de l’État-nation turc, dont la construction a été entravée par des facteurs endogènes. La Turquie est historiquement marquée par une diversité ethnique (Turcs et Kurdes) et religieuse (sunnites et chiites) très importante. La volonté de Mustafa Kemal Atatürk de créer un État-nation turc sur le modèle de J. Fichte (c’est-à-dire une communauté ethnolinguistique) se heurte donc au fait que cette communauté n’existe pas. Il a donc fallu la créer, et cela a entraîné des violences politiques visant à réprimer les minorités, de façon à les incorporer de force dans l’État-nation turc.
Les insurrections kurdes, violemment réprimées dans les années 1930, et celles qui durent depuis 40 ans (1984) sont la preuve de ces violences sur fond ethnique qui empêchent la stabilisation et la construction d’un véritable État-nation. Mais à la fin des années 1990, on a un État turc fort avec un nationalisme puissant et un État-nation largement constitué, mais qui n’arrive pas à terminer sa constitution, d’où les instabilités persistantes.
Tu peux écouter le podcast sur Erdogan et son rêve ottoman :
N’hésite pas à consulter tous nos articles de géopolitique !