Sri Lanka

Frappé par une crise multidimensionnelle au cours de l’année 2022, le Sri Lanka a connu une importante gabegie. Si la situation semble aujourd’hui quelque peu apaisée politiquement, le pays n’en reste pas moins lesté économiquement par une dette importante. Retour sur les origines et l’évolution de la crise sri-lankaise.

Les prémices de la crise au Sri Lanka

En mars 2022, de petites manifestations commencent à essaimer dans l’ensemble du pays. Elles font suite à l’inaction du gouvernement face à l’inflation galopante et aux pénuries. Le Sri Lanka, pays à l’économie relativement peu développée (PIB d’environ 85 milliards d’euros en 2021), est en effet fortement frappé par la crise de la Covid-19. Cette crise vient s’ajouter à une politique de gestion du pays désastreuse.

Le gouvernement du Président de l’époque, Gotabaya Rajapaksa, a commis de nombreuses erreurs politiques, plongeant le Sri Lanka dans une crise économique importante. Par exemple, des réductions d’impôts conséquentes ont été opérées. Ce qui a affecté les politiques budgétaires et réduit les recettes publiques, intensifiant le déficit budgétaire ainsi que l’inflation.

En avril 2021, le président Gotabaya Rajapaksa a annoncé que le Sri Lanka n’autoriserait que l’agriculture biologique, interdisant totalement les engrais agrochimiques. Ce qui a entraîné une perte économique d’environ 425 millions de dollars. De plus, de nombreuses restrictions aux exportations sont imposées, flouant ainsi les grandes entreprises, dont le chiffre d’affaires est principalement fondé sur l’export.

La pandémie de Covid-19 est donc venue agrandir la brèche. En effet, la récession mondiale a gonflé la dette du Sri Lanka, qui se retrouve en défaut de paiement début avril 2022. Enlisé, le pays ne parvient plus à acheter des produits de l’importation tels que de l’essence ou des médicaments. Ce qui accentue par conséquent le sentiment de colère de la population. Le gouvernement doit alors appeler à l’aide le FMI ainsi que ses voisins indiens et chinois pour l’octroi de crédits permettant de financer l’achat d’essence et de denrées alimentaires.

Une opportunité pour d’autres pays

La crise du Sri Lanka est l’occasion pour certains pays, en particulier la Chine, d’avancer leurs pions. En effet, début avril 2022, Pékin commence à envisager d’octroyer des prêts pour son allié. Cela faisant suite à une demande du gouvernement de Rajapaksa de restructurer sa dette. Ainsi, avec l’Inde, les deux pays prennent la décision d’octroyer plus de lignes de crédit au Sri Lanka, alourdissant encore davantage sa dette.

À cet égard, on peut noter que les prêts chinois ont considérablement augmenté entre 2000 et 2022. Ils sont passés de 1 à 19,6 % du total de la dette publique extérieure sri-lankaise.

Dès lors, de nombreuses craintes émergent autour de l’influence que possède la Chine sur le Sri Lanka, pays stratégique dans le projet des Nouvelles routes de la soie. L’Union européenne perçoit ce danger et offre notamment au Sri Lanka de devenir partenaire dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’investissement colossal Global Gateway.

D’une crise économique à une crise politique

Mais dans le même temps, c’est une crise politique qui vient affaiblir encore davantage le pays. En effet, début avril 2022, la quasi-totalité du gouvernement sri-lankais démissionne, ayant bien conscience de l’impossibilité de redresser l’économie du pays en l’état. Les manifestations s’intensifient, demandant la démission du Président.

Mais la répression se développe tout autant. Des couvre-feux sont mis en place et de nombreuses arrestations ont lieu. Le 2 avril, l’état d’urgence est décrété et le 3 avril, le ministère de la Défense demande le blocage des plateformes de réseaux sociaux. Les manifestations se poursuivent tous les mois d’avril et mai.

Le 11 mai, le gouvernement déploie l’armée avec l’ordre de tirer à vue pour maîtriser la violence. L’armée reçoit le pouvoir de détenir des personnes sans mandat jusqu’à 24 heures avant qu’elles ne soient remises à la police. Et toute propriété privée peut être fouillée par les forces de l’ordre. La décision reçoit alors des critiques internationales, notamment de la part des États-Unis.

Par la suite, alors que les manifestations perdurent, c’est au tour de l’ancien ministre des Finances, Basil Rajapaksa (de la famille du Président), de démissionner de son poste de député de la liste nationale, le 9 juin. Il affirme alors que la famille Rajapaksa ne quittera pas la politique. Et que si elle ne peut pas gouverner le Sri Lanka, elle utilisera d’autres méthodes pour influencer la gouvernance.

La démission du Président

Le 9 juillet, le Président Gotabaya Rajapaksa fuit sa résidence officielle à Colombo. Il anticipe le rassemblement de nombreux manifestants à Chatham Street, près de sa maison, qui exigent sa démission immédiate. Ils s’introduisent dans la résidence présidentielle malgré les barricades policières et les attaques au gaz lacrymogène. Ils font irruption le même jour dans le Secrétariat présidentiel et Temple Trees, la résidence officielle du Premier ministre. Puis, ils se rassemblent autour de sa résidence privée. Les manifestations sont pour la plupart pacifiques, ce qui n’empêche pas quelques blessés.

Le Président Rajapaksa annonce ainsi le même jour sa démission et s’enfuit aux Maldives le 13 juillet. Le Parlement nomme le Premier ministre comme Président, tandis que les manifestants prennent d’assaut son bureau, refusant cette décision. Les manifestations continuent donc dans l’ensemble du pays, et en particulier à Colombo.

Une crise sans fin ?

Fin juillet, des milliers de membres des forces armées, dans le cadre d’une opération conjointe de l’armée, de la police et du groupe de travail spécial, ont pris d’assaut le site de protestation de Galle Face Green, lieu phare de la contestation, pour dégager le secrétariat présidentiel et expulser les manifestants. Depuis lors, les manifestations ont cessé, du moins par leur ampleur. Le nouveau gouvernement est composé de nombreux ministres ayant été en fonction sous Gotabaya Rajapaksa.

Durant tout le mois d’août, ce sont de nombreuses arrestations de manifestants qui ont lieu. La situation ne s’est donc guère arrangée du côté des manifestants, n’ayant pas obtenu gain de cause. Bien plus, début septembre, le président déchu, Gotabaya Rajapaksa, fait son retour dans le pays, après sept semaines d’exil.

La crise sri-lankaise est donc en tout état de cause encore d’actualité et pèse sur le développement du pays.

J’espère que cet article t’aura aidé·e à comprendre le déroulement de la crise sri-lankaise. Tu peux retrouver nos autres articles de géopolitique juste ici ! Tu peux utiliser ces éléments sur le Sri Lanka dans une dissertation, par exemple dans une étude de cas.