Jusqu’à fin décembre, le Directeur Général de BSB, Stéphan Bourcieu, décrypte pour toi l’actualité ! Cette semaine, son analyse portait sur les élections en Moldavie et la création du RCEP.

Élections présidentielles. La surprise moldave

Vous êtes fatigué de voir défiler en boucle les résultats des élections américaines sur les chaines info ? Alors intéressez-vous plutôt aux élections présidentielles moldaves qui se sont déroulées les 1er et 15 novembre 2020 et que les médias français ont largement passé sous silence.

Quel intérêt me direz-vous de parler de l’élection de l’ex-Première ministre, Maia Sandu, à la tête de ce pays enclavé de 3,55 millions d’habitants connu (enfin … un peu) pour ses régions viticoles ? On peut évidemment se féliciter de l’élection, avec plus de 57% des voix, d’une femme, ancienne économiste à la Banque mondiale et leader du Parti Action et Solidarité, étiqueté de centre droit. On peut également espérer qu’elle parvienne à mettre en œuvre son programme de lutte contre la corruption, endémique en Moldavie comme le montre l’évaluation de Transparency International : pour l’année 2019, ce pays apparaît en effet au 120ème rang sur 180 pays classés en matière de perception de la corruption dans le secteur public, encadré par la Sierra Leone et le Niger. Qui se souvient d’ailleurs que la Moldavie détient depuis 2015 un record mondial du plus grand scandale de corruption d’État, avec la disparition (pas pour tout le monde, si vous voulez mon avis) d’un milliard de dollars des caisses des banques nationales. Pas mal pour un PIB 2015 de 7,745 Mds de dollars !

Mais reconnaissons-le, l’enjeu principal de cette élection dépasse largement les frontières de ce petit pays. Prise entre l’Union européenne et la Russie, la Moldavie est l’objet d’une lutte d’influence entre ces deux grandes puissances. Après avoir battu Igor Dodon, Président en exercice pendant quatre ans et clairement pro-russe, Maia Sandu va chercher à se rapprocher de la Roumanie et de l’Union européenne. Elle met ainsi au défi Vladimir Poutine qui considère que cette ex-République soviétique relève de sa sphère d’influence. Après la Géorgie en 2008 et l’Ukraine en 2014, pourrait émerger en Moldavie un nouveau foyer de tension géopolitique entre l’Union européenne et la Russie.

Pendant le Covid, la Terre continue de tourner

La crise du covid et ses conséquences occultent largement l’actualité économique. Vue de l’Hexagone, on a le sentiment que la mondialisation des échanges est en panne. Il est exact que le trafic aérien de passagers est en chute libre. En revanche, le trafic de marchandises est loin d’être à l’arrêt (1) et … heureusement car les masques et respirateurs sont largement importés de Chine.

Dans ce contexte, quinze pays d’Asie et d’Océanie préparent d’ores et déjà l’après covid en signant, après huit années de négociation, un accord de libre-échange : le Regional Comprehensive Economic Partnership (RCEP). Aux dix membres de l’ASEAN (2)  s’ajoutent la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Cet accord est sans doute une des premières conséquences de la diplomatie économique de Donald Trump visant à sortir du multilatéralisme : la Chine a en effet clairement accéléré pour sa mise en place en 2017, quand les États-Unis sont sortis du traité trans-pacifique. Il traduit également le basculement du monde vers l’Asie. Cette nouvelle zone de libre-échange va regrouper près de 30% de la population mondiale, 29% du PIB mondial et 27% du commerce mondial.

Autre élément d’importance : ce traité réunit toutes les puissances régionales à l’exception de l’Inde. Après avoir participé à toutes les négociations et ré-affirmé sa volonté de coopérer avec l’ASEAN, la cinquième économie mondiale s’était retirée il y a un an des négociations du RCEP, officiellement en raison de son déficit commercial croissant avec la Chine. Au-delà des questions commerciales, on peut penser que les relations diplomatiques particulièrement tendues entre New Delhi et Beijing n’ont pas arrangé les choses : les deux nations s’affrontent militairement depuis plusieurs mois pour le contrôle du lac Pangong dans l’Himalaya. En outre, c’est peu dire que l’Inde n’apprécie pas le soutien militaire de la Chine à son ennemi historique, le Pakistan.

L’absence de l’Inde n’empêchera toutefois pas ces quinze pays d’Asie et d’Océanie de constituer la première zone de libre-échange au monde. Et pendant ce temps,

  • les Américains et les Européens continuent de s’écharper à coup de taxes réciproques (3) ;
  • la Hongrie et la Pologne bloquent le budget et le plan de relance européens ;
  • et les médias français continuent de penser que la mondialisation ne survivra pas au covid.

La Terre continue de tourner et la mondialisation d’avancer… avec ou sans nous.

1. Le trafic dans les ports français a certes baissé au deuxième trimestre 2020 mais de … 0,7% par rapport au trimestre précédent à 71 671 milliers de tonnes.

2. Le sultanat de Brunei, la Birmanie, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam.

3. Dernières en date, les 4 milliards de dollars que l’UE va imposer aux produits américains en raison des aides publiques américaines à Boeing, suite à l’autorisation de l’OMC du mardi 13 octobre 2020.

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