Pelosi

Le 2 août 2022, Nancy Pelosi visite Taïwan. Elle devient alors la plus haute responsable politique des États-Unis à se rendre sur l’île depuis 25 ans. Ce voyage, qui a lieu malgré les avertissements de la Chine, ravive les tensions entre la Chine et les États-Unis. Je te propose de revenir sur cet événement afin d’en comprendre les enjeux et les conséquences !

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Une visite qui suscite la colère de Pékin

Nancy Pelosi effectue cette visite à Taïwan malgré les menaces de Pékin et les réticences du Pentagone, afin de rappeler aux États-Unis leur engagement à soutenir Taïwan face à la volonté de la Chine de contrôler ce dernier.

Cette visite a de nombreuses conséquences : des exercices militaires chinois ont commencé autour de l’île. De plus, la Chine a annoncé la suspension du dialogue avec les responsables militaires de haut niveau des États-Unis et du dialogue climatique. À cela s’ajoute la volonté de Pékin de ne plus coopérer à propos de la lutte contre la criminalité transfrontalière et le rapatriement des migrants clandestins.

De nombreuses conséquences en Asie

Cet événement ne concerne pas uniquement les États-Unis et la Chine. Les répercussions se font également sentir au Japon et en Corée du Sud qui craignent de froisser leur voisin chinois. Bien qu’alliés des États-Unis, le Japon et la Corée du Sud sont embarrassés par la visite de Nancy Pelosi à Taïwan.

En effet, ils souhaitent maintenir des relations commerciales avec la Chine. Les deux pays pourraient pâtir des conséquences de cette visite. En effet, Pékin a déjà tiré une salve de missiles sur la zone économique exclusive du Japon.

Les États-Unis souhaitent maintenir la capacité d’autodéfense de Taïwan

L’administration Biden a vendu en août des armes à Taïwan pour un montant d’environ 1,1 milliard de dollars. Il s’agit de missiles Harpoon, de missiles de courte portée Sidewinder et d’un contrat de maintenance du système de radars de Taïwan.

Cette vente s’inscrit dans la continuité de la politique états-unienne depuis 1979, lorsque Washington a accepté de maintenir la capacité d’autodéfense de Taïwan tout en reconnaissant Pékin. Pourtant, la réaction de Pékin est sans appel. La Chine exige des États-Unis qu’ils renoncent à la nouvelle vente d’armes à Taïwan.

Pourquoi la Chine s’intéresse-t-elle à Taïwan ?

Le Parti communiste chinois (PCC) voit dans « le problème taïwanais » une affaire intérieure. Il n’admet donc aucune ingérence à ce propos, alors même que Taïwan n’appartient pas à la Chine. L’île a seulement été partiellement conquise à la fin du XVIIᵉ siècle par la dynastie Qing. Les Chinois représentaient alors le bas de l’échelle politique. Pourtant, la Chine estime que Taïwan est une de ses provinces. Pékin estime ne pas avoir encore réussi à réunifier l’île au reste de son territoire.

Taïwan est également d’une importance capitale pour les chaînes commerciales mondiales. En effet, l’île est spécialisée dans la fabrication des semi-conducteurs. Elle en assure la moitié de la production mondiale. Il est alors peu étonnant que les États-Unis veuillent renforcer leurs liens commerciaux avec Taïwan.

Des négociations ont été annoncées pour cet automne par le Bureau de la représentante américaine au commerce, Katherine Tai. Il s’agirait d’aboutir à un accord commercial et de réaliser des investissements pour renforcer les relations commerciales avec Taïwan.

Tu peux mettre cela en lien avec la guerre commerciale qui oppose la Chine aux États-Unis. Pour cela, consulte cet article.

Les objectifs de la Chine sont multiples et peuvent se résumer en quelques points. Chercher en effet à gouverner tous les sinophones, défaire les alliances américaines de la « première chaîne d’îles », élargir la portée de ses sous-marins nucléaires, renforcer ses revendications territoriales et maritimes, et contrôler le marché convoité des semi-conducteurs de Taïwan.

Pour en savoir plus sur les potentiels conflits liés à Taïwan, tu peux écouter ce podcast.

La Chine ne s’intéresse pas seulement à Taïwan, mais revendique aussi une souveraineté en mer de Chine

La Chine revendique sa souveraineté en mer de Chine et s’oppose ainsi aux États-Unis. Un tiers du commerce mondial transite par la mer de Chine. Cela en fait donc un lieu de tensions et de convoitises. La zone s’est progressivement transformée en un théâtre d’observation, voire de confrontation. Les États-Unis (puissance maritime historique) et leurs alliés défendent le concept « d’Indopacifique libre et ouvert », incluant les mers de Chine orientale et méridionale. Ils s’opposent à la Chine, puissance continentale se dotant d’une marine de haute mer.

La Chine multiplie les coups de force dans la région. Elle affirme une souveraineté prétendument historique en mer de Chine méridionale (par la « ligne des neuf traits » ou « langue de bœuf »), qu’elle perçoit comme une condition de la maritimisation des horizons de sa puissance. Pékin souhaite pouvoir se projeter au moins vers la première chaîne d’îles (des Philippines au Japon en passant par Taïwan).

Des logiques de contournements s’imposent pour Pékin afin d’éviter les risques d’un blocus provoqué par les États-Unis : projet de canal passant par l’isthme de Kra (Thaïlande), pour éviter le dilemme de Malacca, et projet d’ouverture de corridors stratégiques par le Myanmar et par le Pakistan.

Taïwan pendant la guerre en Ukraine

Une guerre pas si lointaine

Bien que Taipei soit à 8000km de Kiev, une partie de la population taïwanaise se sent concernée. Dès le déclenchement de la guerre, des manifestations et des collectes sont organisées pour sensibiliser la population. 

La guerre en Ukraine a en effet un écho particulier à Taïwan. Tout comme la Russie, la Chine est également un pays autoritaire possédant l’arme nucléaire qui a des revendications territoriales historiques sur un pays voisin. L’exemple ukrainien montre que la guerre peut éclater très vite, bien que cela fasse 74 ans que la Chine souhaite rattacher Taïwan à son territoire.

Cependant, les médias taïwanais tirent quelques conclusions rassurantes du conflit russo-ukrainien. La résistance des Ukrainiens ainsi que le soutien total des Etats-Unis sont des facteurs d’espoir dans l’hypothèse d’une guerre ouverte avec la Chine. Les difficultés de la Russie en Ukraine sont donc de précieux enseignements pour Taïwan, qui peut donc renforcer ses capacités défensives.

Les différences entre l’Ukraine et Taïwan

Malgré les similarités apparentes entre les deux cas, des divergences demeurent. Sur le plan politique interne, le PCC (Parti Communiste Chinois) risque une crise politique majeure en cas d’échec chinois de la guerre. Bien que la Chine de Xi Jinping ait largement les moyens militaires pour envahir Taïwan, il est peu probable qu’elle risque l’écroulement de son régime.

De plus, l’administration Biden est très impliquée dans le cas taïwanais. Un potentiel conflit est suivi de près, et des menaces (plus ou moins sérieuses) d’entrée en guerre des Etats-Unis ont déjà été sous-entendues. Le risque d’un conflit ouvert entre les Etats-Unis et la Chine est faible, mais bien trop inquiétant pour être tenté : ce serait une guerre nucléaire d’ampleur mondiale.

Enfin, le territoire de Taïwan est une île. C’est à double tranchant : si la Chine peut mettre en place un blocus maritime, Taïwan peut rendre son territoire difficile d’accès pour les navires de guerre, et les attaquer de loin. Le pays mène depuis des décennies une organisation défensive en ce sens.

La préparation de la population à une guerre

Depuis les échos de la résistance ukrainienne, le nombre de citoyens qui se disent prêts à se battre contre la Chine a doublé. Ce chiffre atteint en 2022 près de 70% de la population taïwanaise ! La guerre en Ukraine a donc largement exacerbé la menace ainsi que le sentiment patriotique à Taïwan.

Il faut dire que l’éducation à la défense civile est très répandue : des manuels ainsi que des abris de guerre ont été mis en place. Cependant, les habitants considèrent que l’équipement n’est pas suffisant et devrait être amélioré. De nombreux taïwanais ont donc recours à des solutions individuelles pour se préparer à la guerre. Des stages de tirs comme des simulations de guerre sont mis en place pour répondre à une déficience politique (le service militaire a été réduit à quatre mois…).

Au-delà des initiatives civiles, Taïwan possède des atouts pour dissuader la Chine d’envahir son territoire. L’île est une forteresse naturelle ! Ses montagnes et son détroit difficile à naviguer la protègent. D’ailleurs, la tentative d’offensive de la Chine en 1958 s’était soldée par un échec. En effet, un débarquement est une opération beaucoup plus risquée qu’une attaque terrestre.

L’île de Matsu est un exemple probant en ce sens. Il s’agit de l’île taïwanaise la plus proche de la Chine, à tel point qu’un tourisme pour observer les côtes chinoises s’y est développé. Ses reliefs montagneux en ont fait une île militaire de 1949 à 1991, avec près de 50 000 soldats postés de façon permanente. Si l’état de guerre est aujourd’hui terminé, les 95 bunkers de l’île rappellent la proximité de la menace.

Le conflit russo-ukrainien et la présence de drones chinois au-dessus de l’île de Matsu ont fait reprendre des exercices militaires et des anciens armements.

Ecoute aussi : Podcast – Ferons-nous un jour la guerre pour Taïwan ?

Conclusion : les concepts à évoquer dans ta copie

On est bien loin du G2 ou du condominium qu’évoquaient Valérie Niquet et Niall Ferguson. Il y a un risque de piège de Thucydide (Graham Allison, Vers la guerre : La Chine et l’Amérique dans le Piège de Thucydide ?).

Comme pour Athènes et Sparte, il y a un risque de conflit entre une puissance établie (les États-Unis) et une puissance montante (La Chine). Il y a également un risque de piège de Kindleberger puisque ni la Chine ni les États-Unis ne veulent assumer le statut d’Hégémon.

Pour en savoir plus sur les tensions entre la Chine et les États-Unis, tu peux consulter cet article.

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