Maduro

Retour sur les élections présidentielles au Venezuela du 29 juillet dernier, où Nicolás Maduro, héritier du leader socialiste et bolivarien Hugo Chávez et au pouvoir depuis 2013, a été réélu pour un troisième mandat, le laissant à la tête du pays jusqu’en 2031. Cette élection a été amplement contestée, déclenchant des manifestations sans précédent sur le territoire vénézuélien. Elle soulève ainsi plusieurs questions : À quel point est-elle démocratique ? Quels sont les enjeux nationaux qui lui sont sous-jacents ? Quels acteurs extérieurs y sont liés et quel rôle jouent-ils ?

Qui est Nicolás Maduro ?

Il a pris ses fonctions le 19 avril 2013, après la mort de son prédécesseur, Hugo Chávez, dont il était le vice-président. Nicolás Maduro est membre du Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV). Il est largement perçu comme le successeur choisi par Chávez pour continuer la révolution bolivarienne.

Témoin de crises économiques sévères, de pénuries de nourriture et de médicaments, d’une hyperinflation et de tensions politiques extrêmes, Nicolás Maduro a entamé un virage autoritaire à la mort de Chávez pour conserver le pouvoir, perpétuant l’idéologie de son prédécesseur et recourant à une forme de répression intense envers le peuple. 

En 2017, Maduro a créé une Assemblée constituante, dominée par ses partisans, qui a pris le pouvoir de l’Assemblée nationale, contrôlée par l’opposition. Cette décision a été largement condamnée comme un coup de force pour concentrer davantage de pouvoir entre les mains de Maduro. En 2018, il a été réélu lors d’une élection contestée, qualifiée de frauduleuse par de nombreux observateurs internationaux.

Nicolás Maduro est une figure controversée. Son gouvernement a été accusé de répression des opposants politiques, de violations des droits de l’homme et de pratiques antidémocratiques. En 2019, il a été confronté à une tentative de destitution menée par Juan Guaidó, ce qui a conduit à une crise politique internationale avec certains pays reconnaissant Guaidó comme le président légitime du Venezuela. Il est soutenu par des institutions telles que l’Armée et des alliés internationaux comme la Russie, la Chine et Cuba.

Bilan des deux mandats précédents de Nicolás Maduro

Poursuite de la Révolution bolivarienne 

Après la mort de Hugo Chávez en 2013, Maduro a continué à promouvoir la révolution bolivarienne. Ce mouvement socialiste et populiste, qui tire son nom de Simón Bolívar, un héros de l’indépendance de l’Amérique latine contre les empires espagnol et portugais au XIXe siècle, dont Chávez se réclamait comme héritier idéologique, a marqué la politique vénézuélienne depuis la fin des années 1990.

La révolution bolivarienne vise à instaurer ce que Chávez a appelé le « socialisme du XXIe siècle », un modèle de société qui combine des éléments de socialisme avec des idées de justice sociale, de participation citoyenne et d’indépendance nationale. Contrairement aux formes traditionnelles de socialisme, la version bolivarienne a cherché à adapter le socialisme aux réalités du Venezuela, en insistant sur la redistribution des richesses, l’égalité sociale et la réduction de la pauvreté. La révolution bolivarienne a eu un impact profond sur la société vénézuélienne et a influencé d’autres mouvements politiques en Amérique latine, souvent regroupés sous le terme de « vague rose », caractérisée par l’émergence de gouvernements de gauche dans la région au début du XXIe siècle.

Une économie à bout de souffle après 25 ans de Chavisme

Le Venezuela a connu une hyperinflation sévère, avec un taux qui a atteint des millions de pour cent en 2018. Cette situation a entraîné une dévaluation massive de la monnaie nationale, le bolívar, et une perte dramatique du pouvoir d’achat des citoyens. Dans le même temps, la dette publique s’accumule. Parmi les pays en développement ou émergents ayant la plus importante dette, le Venezuela se classe en haut du classement, la dette représentant 240,5 % de son PIB en 2021. Entre 2013 et 2022, le PIB s’est effondré de 80 % provoquant, selon l’ONU, l’exode de quelque 7,7 millions de Vénézuéliens, soit un quart de la population, vers les pays voisins comme la Colombie et ailleurs dans le monde.

Le pays a souffert de pénuries chroniques de nourriture, de médicaments et d’autres produits de base. Ces pénuries sont en partie attribuées aux politiques économiques du gouvernement telles que les contrôles des prix et les restrictions sur les importations.

L’économie vénézuélienne, largement dépendante des exportations de pétrole, a été gravement affectée par la chute des prix du pétrole à partir de 2014. Fin 2017, le pays est même déclaré en défaut partiel en raison du recul des prix du baril. Les investissements dans l’industrie pétrolière ont également diminué, aggravant la situation.

Le président Maduro impute souvent la crise économique aux sanctions imposées en 2019 par les États-Unis pour contester sa réélection de 2018. En mai 2024, les États-Unis ont imposé des sanctions, estimant que le scrutin présidentiel ne présentait pas suffisamment de garanties démocratiques, ce qui a rendu la situation encore plus compliquée.

Une répression politique toujours plus sévère

Le gouvernement de Maduro a été accusé de réprimer l’opposition politique par des moyens violents, notamment par la censure des médias et la répression des manifestations. Sous le régime de Maduro, de nombreux leaders de l’opposition ont également été arrêtés, emprisonnés, ou forcés à l’exil. Par exemple, Leopoldo López, actuellement responsable du parti politique Volonté populaire, a été arrêté en 2014 et condamné à près de 14 ans de prison pour incitation à la violence. Des accusations largement dénoncées comme étant sans fondement. Après les résultats des élections du 28 juillet dernier, des manifestations massives ont éclaté dans tout le pays. En quelques jours à peine, plus de 2 000 personnes ont été arrêtées arbitrairement et des dizaines de personnes ont été tuées par des forces de sécurité et des groupes armés progouvernementaux.

Les forces de sécurité vénézuéliennes, y compris la Garde nationale bolivarienne et les FAES (Forces d’actions spéciales) créées sous Maduro, ont fréquemment utilisé une force excessive pour réprimer les manifestations antigouvernementales. Les FAES sont souvent décrites comme un outil de terreur utilisé pour intimider les communautés critiques du régime. Lors des vagues de protestations de 2014, 2017 et 2019, des centaines de manifestants ont été tués et des milliers d’autres ont été blessés ou arrêtés. Des groupes armés civils, souvent appelés colectivos, ont été utilisés pour intimider et attaquer les manifestants. Ces groupes, qui opèrent souvent avec l’impunité et la complicité des forces de sécurité, ont été impliqués dans des actes de violence contre les opposants politiques.

Finalement, le gouvernement de Maduro a systématiquement attaqué la liberté de la presse en fermant des médias indépendants, en retirant des licences de diffusion à des chaînes de télévision critiques et en limitant l’accès à l’information. Le gouvernement au pouvoir a ainsi fait fermer plus de 400 médias en vingt ans (dont Disney+ et HBO) afin de faire taire la critique. Face à l’ampleur de la contestation de son gouvernement sur les réseaux sociaux, Nicolás Maduro a également décidé de suspendre temporairement le réseau X.

Des relations internationales détériorées

Sous sa présidence, Maduro a maintenu et renforcé les relations avec des pays comme la Chine, la Russie, l’Inde, Cuba et l’Iran, qui l’ont soutenu économiquement et politiquement face aux sanctions occidentales.

  • La Chine est devenue un partenaire incontournable. Leurs relations sont étroites et surtout interdépendantes : la Chine est notamment l’un des principaux créanciers du Venezuela. Elle lui a prêté 50 milliards de dollars dans les années 2010, investis dans de multiples projets conjoints (énergie, infrastructures, transport, construction, biens de consommation ou encore sécurité). Caracas remboursant ensuite sa dette par des livraisons de pétrole. Par ailleurs, Xi Jinping a annoncé en 2013, avoir « élevé les relations entre la Chine et le Venezuela au niveau de partenariat stratégique dit “tous temps” (cette qualification est la plus élevée de la diplomatie chinoise, et seuls trois pays, à savoir le Pakistan, la Russie, et la Biélorussie, ont le droit à ce traitement).
  • La Russie représente un autre partenaire significatif en matière d’énergie et de défense. Une alliance stratégique née en 2001 à la suite de la première visite du président vénézuélien à Moscou, qui n’a cessé de se renforcer. Ils ont par exemple convenu en février 2024 d’élargir leur coopération pétrolière et envisagé une « utilisation pacifique de l’énergie nucléaire » lors d’une visite à Caracas du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov.
  • L’Iran est un partenaire ancien, mais dont les relations avec le Venezuela ont été ambiguës. Malgré les difficultés rencontrées, notamment en matière de paiements par le Venezuela, les deux pays restent déterminés à renforcer leurs relations et à améliorer leur partenariat énergétique face à la pression américaine. Par ailleurs, un pacte Iran-Venezuela prévoyait jusqu’à 25 milliards de dollars d’échanges commerciaux et d’investissements à partir de 2022 dans des domaines clés pour les deux pays.

 

Cependant, son gouvernement est largement isolé sur la scène internationale, avec de nombreux pays refusant de reconnaître sa légitimité. Depuis 2019, le Venezuela fait l’objet de sanctions économiques sévères de la part des États-Unis, de l’Union européenne et de certains pays d’Amérique latine (Argentine, Uruguay, Pérou), visant à faire pression sur son gouvernement pour restaurer la démocratie.

Les enjeux de cette réélection 

Le refus de Nicolás Maduro de reconnaître la victoire de l’opposition lors des dernières élections rapproche de plus en plus le pays de dictatures telles que le Nicaragua et Cuba, même si certains considèrent déjà le Venezuela comme étant une dictature. En effet, l’opposition a dénoncé des irrégularités et une élection truquée, alors que le Conseil national électoral (CNE) a officialisé la réélection de Nicolás Maduro. Mais il est impossible, selon le Centre Carter (qui avait été invité par les autorités vénézuéliennes à mener une mission d’observation électorale), de vérifier et de valider les résultats annoncés par le gouvernement.

Un des enjeux principaux à la réélection de Maduro est celui de la question migratoire, aussi bien pour le Venezuela que pour les États-Unis. La dirigeante de l’opposition vénézuélienne, Maria Corina Machado, craint une vague migratoire inédite si le président vénézuélien restait au pouvoir. La réélection de Maduro aura des conséquences importantes sur la politique intérieure américaine. En 2023, le président Joe Biden avait décidé de régulariser près d’un demi-million de Vénézuéliens, entrés illégalement sur le territoire américain, lors de l’exode de près de huit millions de personnes entre 2010 et 2020.

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