La visite de Nancy Pelosi à Taïwan cet été a marqué « l’engagement indéfectible des États-Unis à soutenir la démocratie dynamique de Taïwan ». Ce sont les mots de la plus haute responsable politique des États-Unis à se rendre sur l’île depuis 25 ans.
Cependant, cet État insulaire, situé à 180 km à l’est de la Chine, continue d’être revendiqué par la Chine. Comme l’a montré la dernière déclaration du nouveau Politburo de Xi Jinping, suggérant que Taïwan et l’armée étaient les priorités de la Chine.
Avec un soutien américain, dont il est difficile de mesurer la résolution, l’île de Taïwan pourra-t-elle préserver son indépendance ? Zoom sur sa situation et les prétentions chinoises, pour être au point en prépa ECG en dissertation !
Un morceau de Chine perdu
Un contexte historique de sinisation tardive et complexe
Selon la sinologue Valérie Niquet, auteure de Taïwan face à la Chine : Demain, la guerre ? (2022), « l’incorporation officielle dans l’Empire n’intervient qu’en 1885 ». Tu peux retrouver un entretien de Valérie Niquet avec Pascal Boniface à propos de cette question juste ici.
En effet, colonie néerlandaise de 1624 à 1661, Formose (« la belle île », nommée ainsi par des marins portugais) tombe rapidement sous le règne de la dynastie chinoise des Qing de 1683 à 1895. Mais n’en devient une province qu’en 1885.
Cependant, en 1895, l’île devient la première colonie japonaise, suite à la signature du traité de Shimonoseki, qui met fin à la guerre sino-japonaise.
Taïwan, une Chine de refuge ?
Le Japon, vaincu en 1945, remet Taïwan à l’ONU, qui en confie la stabilisation à la République de Chine. Les Taïwanais acceptent mal le pouvoir autoritaire et corrompu du Kuomintang de Tchang Kaï-chek. Et, le 28 février 1947, des émeutes sont violemment réprimées et entraînent la mort de plus de 20 000 Taïwanais. Cet incident, connu sous le nom « d’incident 228 », démontre le clivage idéologique des deux Chine.
En 1949, le parti communiste proclame la République populaire de Chine et la défaite du Kuomintang face à Mao. Il fait de Taïwan le refuge de la République de Chine et de ceux qui fuient le communisme.
Une compétition pour la souveraineté entre les deux Chine
Taïwan (République de Chine) et la Chine communiste (République populaire de Chine) n’ont jamais reconnu l’existence de l’autre. Chacune se disait représenter le seul véritable État chinois.
Mais la montée en puissance de la Chine communiste, associée à la stratégie américaine du tandem Nixon-Kissinger, qui consistait en un rapprochement sino-américain dans le but d’entretenir la fracture sino-soviétique, fait basculer la rivalité entre les deux Chine sur la question de la souveraineté.
Alors que, jusqu’en 1971, le siège chinois au Conseil de sécurité de l’ONU était Taïwanais, à cette date, la Chine communiste obtient le siège.
En 1979, les États-Unis reconnaissent officiellement la RPC comme « seule Chine » et l’Ambassade des États-Unis migre de Taipei à Pékin.
Une île aux velléités indépendantistes
L’éveil du dragon : le développement de Taïwan
Taïwan suit le modèle asiatique d’industrialisation par substitution aux importations comme les autres dragons, avec une aide américaine décisive au départ. En 1966, Taïwan inaugure la première zone franche industrielle de l’Asie orientale à Kaohsiung.
Le décollement de Taïwan dans les années 1960, couplé à la montée en gamme rapide, fait de Taïwan la 21ᵉ puissance économique mondiale aujourd’hui.
Ses points forts sont essentiellement les produits électroniques et informatiques, avec des marques taïwanaises comme Acer, Asus ou Foxconn. Par exemple, la firme TSMC appartient au top 10 des firmes mondiales en valeur. Et elle est aujourd’hui ultradominante dans le secteur des semiconducteurs. Cette firme a lancé la Fab 18, la plus chère usine de l’histoire (17 milliards de dollars) et produisant des nanomatériaux, pour Apple notamment.
Un clivage idéologique persistant
Deux partis politiques structurent aujourd’hui la vie taïwanaise. D’un côté, le Kuomintang (KMT), héritier de Kaï-chek, défend l’option de l’union avec la République populaire sous certaines conditions. De l’autre, le Parti démocrate progressiste (PDP) défend une identité taïwanaise propre, sans pouvoir aller jusqu’à défendre publiquement l’indépendantisme.
En 1992, 46 % des habitants de Taïwan se sentaient comme ayant une double identité chinoise et taïwanaise. Aujourd’hui, la majorité des habitants se sentent taïwanais (55 %) et seuls 5 % se sentent chinois. Cela s’explique majoritairement par un effet de génération. Les Taïwanais qui ont connu la vie dans une Chine unie disparaissent peu à peu et les jeunes générations qui ont seulement vécu dans un contexte démocratique identifient de plus en plus ce régime politique à leur pays, en opposition à celui de la Chine continentale.
La stratégie du porc-épic
Face à la menace d’une invasion chinoise, Taïwan prépare sa défense, car si la Chine devait envahir l’île, une guerre asymétrique serait déclenchée. C’est-à-dire un conflit dans lequel une des parties dispose d’une force militaire bien supérieure à celle de son rival.
Ainsi, par exemple, des bunkers sont disséminés sur l’île, qui est elle-même protégée par des mines marines intelligentes et des drones côtiers. Des missiles sont dissimulés dans des camions civils. Et les autoroutes sont construites pour servir de pistes d’atterrissage pour les avions, après destruction des pistes classiques.
Le « rêve chinois » de réunification
Des stratégies chinoises de réunification ambivalentes
La République populaire de Chine a toujours nié l’existence souveraine de Taïwan. Elle considère que la séparation provient d’une faiblesse temporaire de la nation qui a été exploitée par les États-Unis avec des motivations à la fois anticommunistes et antichinoises.
Au-delà d’une option militaire qui pourrait être envisagée par la Chine pour réunifier son continent, la Chine a aussi proposé à Taïwan, comme elle l’a fait pour Hong Kong (réunifié au continent en 1997), l’alternative « un pays, deux systèmes ».
Mais le sort de Hong Kong, où la liberté politique a été broyée par Pékin, a largement décrédibilisé l’option de « deux systèmes ».
Le commerce, vecteur de pacification entre les deux Chine ?
De 2008 à 2016, une stratégie de rapprochement économique entre l’île taïwanaise et le continent a eu lieu afin de resserrer les liens. Mais, alors que les liens économiques entre l’île et le continent sont étroits, c’est par exemple le géant taïwanais Foxconn qui fabrique en Chine les iPhone d’Apple dans de gigantesques usines.
Le commerce ne suffit pas à pacifier les relations entre ces deux Chine, qui n’ont jamais été aussi politiquement éloignées. Si la Chine reste le premier partenaire commercial de Taïwan, recevant, avec Hong Kong, 42 % des exportations taïwanaises en 2021, dont 55 % sont des puces électroniques, les relations commerciales ne suffisent pas pour enrayer la rupture diplomatique.
Une résistance politique efficace à Taïwan
Le PDP a remporté les élections de 2016 avec Tsai Ing-wen. Cette nouvelle présidente a affirmé la fermeté de Taïwan face à la Chine. Et elle a appelé les Occidentaux à affirmer les valeurs démocratiques face à l’expansionnisme chinois.
Sa réélection en janvier 2020 avec 57 % des voix montre une volonté taïwanaise de rester solide face à une Chine aux velléités expansionnistes.
« La Chine doit être et sera réunifiée », Xi Jinping
Face à la politique du gouvernement taïwanais, la Chine a réagi. Elle a coupé toutes communications officielles avec Taïwan. Elle a exercé des pressions sur ses alliés diplomatiques pour les contraindre à renoncer à la reconnaissance et mène de nombreux exercices militaires autour de l’île.
La politique d’affirmation de la puissance chinoise de Xi Jinping se résume à la phrase qu’il a prononcée en 2019 : « La Chine doit être et sera réunifiée. » Il a ainsi affirmé qu’il ne laissera pas le problème de Taïwan aux générations futures.
Pour conclure, Taïwan résiste aujourd’hui et pour l’instant à la pression de la puissance chinoise
À la question : « Xi Jinping peut-il transformer Taïwan en une simple province chinoise ? », l’essai de Valérie Niquet répond par la négative. Tant la complexité et l’incertitude autour de la question sont importantes.
La récente déclaration du gouvernement chinois selon laquelle « le statu quo n’était plus acceptable » laisse néanmoins peser sur Taïwan une menace non négligeable quant à une possible invasion chinoise. Selon Antony Blinken, les pressions chinoises sur Taïwan « devraient inquiéter non pas seulement les États-Unis, mais tous les pays de la région et à travers le monde ».
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