Aujourd’hui, nous te proposons de découvrir le parcours de Jacques Bel, directeur exécutif global de l’administration de la Faculté à l’Institut européen d’administration des affaires (INSEAD), la célèbre école de management reconnue pour son programme MBA, classé numéro un en Europe et parmi les premiers au monde par le Financial Times, avec ceux offerts par Harvard Business School, Stanford Gruaduate School of Business, et The Wharton School of the University of Pennsylvania. Il nous présente cette école, son organisation et ses objectifs, en revenant sur ses missions, sa riche carrière mais aussi sur son expérience de la prépa et ce que cette formation lui a apportée. Merci beaucoup à lui d’avoir répondu à nos questions et bonne lecture !

  • Tout d’abord, quel est le poste que vous occupez actuellement ?

Je suis directeur exécutif global de l’INSEAD, une école de management ; « global » signifie que je m’occupe du corps professoral sur tous les campus de l’INSEAD, à savoir Fontainebleau bien sûr, Abou Dabi et Singapour. Nous avons un peu d’activité aux Etats-Unis, mais que nous n’appelons pas encore un campus car de faible taille, mais en développement.

  • En quoi consiste cette fonction : quelles sont vos missions et responsabilités ?

Ce titre qui est un peu pompeux est en fait la traduction de la direction des ressources humaines des enseignants-chercheurs. Grosso modo, je m’occupe de tous les enseignants-chercheurs de l’INSEAD, de leur recrutement et de toute la gestion de leur carrière, jusqu’à leur départ quand c’est le cas.

Cela veut dire qu’au-delà de la simple administration des ressources humaines que l’on peut connaître dans toutes les entreprises nationales, cela consiste aussi à accueillir dans un pays des étrangers qui ont fait leurs études ailleurs, qui sont eux-mêmes étrangers, et qui doivent s’installer dans un pays qu’ils ne connaissent pas la plupart du temps, et c’est pour ça que les équipes sont aussi renforcées en gestion de l’immigration, gestion de l’intégration et on va jusqu’à s’occuper de l’inscription des enfants dans les écoles quand ils arrivent, etc. Donc ce sont les ressources humaines au sens large, avec surtout un travail d’accompagnement dans le quotidien de la vie des enseignants-chercheurs que l’on recrute.

  • Pouvez-vous nous présenter l’INSEAD ?

L’INSEAD est une école de management dont le navire amiral est le MBA – Master of Business and Administration -, qui a été créé il y a un peu plus de soixante ans maintenant en Europe, sur le modèle des MBA des grandes écoles américaines, sur celui de Harvard notamment : il a d’ailleurs été créé par des diplômés de Harvard qui voulaient, quinze ans après la fin de la guerre, fournir à l’Europe un outil qui permette d’améliorer l’éducation, de développer l’éducation en business et en management, pour favoriser la paix. C’est l’objectif des trois fondateurs : un objectif de paix, et en Europe, parce qu’il n’y avait pas ce type de niveau d’études à l’époque.

L’objectif de l’école aujourd’hui se retrouve dans son slogan : « Business School for the World », ce qui veut dire « L’école de commerce pour le monde ». Nous sommes même en train d’ajouter dans la pratique « Business School for a better world », parce que l’on souhaite intégrer de plus en plus d’éthique dans les enseignements, de développement durable, et amener nos étudiants à se poser les vraies questions par rapport à l’engagement des dirigeants dans le monde actuel.

  • À qui s’adresse cet établissement ? Quels sont les profils que vous recherchez/recrutez ?

Je parle toujours du navire amiral de l’école qui est le diplôme du MBA. Celui-ci s’adresse en général à des jeunes professionnels qui ont déjà une expérience professionnelle et qui cherchent à acquérir un nouveau diplôme et à perfectionner leurs connaissances en management. Nos étudiants qui ont une moyenne d’âge de 29 ans, sont évidemment parfaitement bilingues parce que tous nos cours sont en anglais, et sont capables de suivre toutes ces formations de façon à améliorer leur propre situation professionnelle à la sortie de l’école.

D’ailleurs, l’objectif des étudiants est évidemment de rechercher un accélérateur pour leur carrière après avoir travaillé entre quatre et six ans ; ils essaient par conséquent de « donner un coup de booster » pour leur carrière professionnelle, ce qui n’est pas forcément la même chose lorsque l’on parle d’autres formations telles que notre Master in Management qui existe depuis deux ans, qui lui s’adresse à des jeunes qui terminent leurs études et qui voudraient compléter leur bagage par une formation en management ; ceux-là n’ont pas d’expérience professionnelle.

Le MBA de l’INSEAD, c’est entre 1000 et 1050 étudiants par an en deux promotions : la promotion de décembre et la promotion de juillet. Le Master in Management représente quant à lui 200 élèves. Le MBA est un format rodé qui est très comparable aux écoles américaines. Ce qu’il faut savoir aussi, c’est que la particularité de l’INSEAD est qu’elle a été la première école à faire un MBA sur un an, alors que la plupart des MBA aux Etats-Unis se font sur deux années académiques. Cela implique une quantité de travail et des heures de cours et de travail personnel beaucoup plus importants.

  • Pourquoi avoir choisi de travailler dans cette structure ?

J’ai un parcours professionnel un peu atypique : j’ai commencé ma carrière dans l’audit financier et j’ai ensuite été amené à m’orienter vers les ressources humaines par choix. Au moment où j’ai choisi d’intégrer l’INSEAD, ce que j’avais envie de faire, c’était de retrouver un job en ressources humaines opérationnel. J’ai passé beaucoup de temps dans une direction des ressources humaines fonctionnelles où j’ai géré les relations sociales avec les syndicats, les élus, les représentants du personnel, et je voulais vraiment voir ce que pouvait être la gestion RH d’une population particulière et à l’international ; mon objectif était vraiment l’international.

  • Quel a été votre parcours scolaire et votre formation dans le supérieur ?

Je suis issu de l’école publique française, puisque j’ai été de l’école élémentaire au bac et y compris en classe préparatoire dans le public, et j’ai fait à mon époque ce qu’on appelait le bac B [économique et social], puisque maintenant il n’y a plus de filières. Et ce n’était pas gagné d’avance de pouvoir faire une classe préparatoire HEC en sortant de B, mais j’ai continué en prépa HEC pour intégrer une école de commerce – à l’époque une école de commerce “de province” comme on disait, qui s’appelle aujourd’hui la Burgundy School of Business – et j’étais très content d’avoir réussi le concours et de pouvoir aller vite vers des études qui m’intéressaient parce que pratiques, dans le monde de l’entreprise, qui me passionnait depuis la classe de seconde.

  • Pourquoi avoir choisi d’étudier en prépa et que retirez-vous de cette expérience ?

Ce que la prépa m’a apporté et que j’ai gardé toute ma vie, c’est-à-dire aussi bien dans ma vie professionnelle que pendant les études, c’est une rigueur et une organisation. La capacité de travail, évidemment, car qui dit prépa, dit quantité de savoir à ingurgiter, mais sans une organisation et une capacité à bien concevoir le travail de façon équitable dans toutes les matières et surtout à avoir le temps de bien s’organiser sur toutes les parties du programme, à l’époque ça m’a paru anodin d’apprendre cette méthode de travail, mais je me suis rendu compte très vite que c’était transposable tout le temps dans la vie professionnelle.

Le bon exemple, c’est qu’après avoir fait une école de commerce où j’avais fait une filière Finance-Comptabilité, j’ai intégré un grand cabinet d’audit financier, Arthur Andersen [repris par Ernst&Young en Europe après son démantèlement], où j’ai commencé à faire de l’audit financier, et où là aussi on m’a appris une méthode de travail, qui était à mon avis directement dérivée aussi de ce que j’avais vu en prépa, mais qui par conséquent a continué à renforcer cette nécessaire organisation, structuration, et j’allais dire la capacité à ne pas se perdre dans des détails, et à savoir quel est l’objectif final est la manière dont on y arrive en se structurant bien dans l’intervalle.

  • Conseilleriez-vous aux étudiants d’étudier en classes préparatoires et si oui, pourquoi ?

Déjà je réponds avec un sourire parce que je suis toujours jury de concours dans les écoles de commerce et je me focalise beaucoup sur les étudiants issus de classes préparatoires parce que je leur trouve beaucoup d’atouts. La raison pour laquelle je conseille toujours aujourd’hui de faire une classe préparatoire est ce que je viens de dire : la nécessité d’apprendre une méthode de travail qui permet d’être efficace, et en entreprise on a toujours besoin de ça. Je crois qu’à tout moment, les gens qui ont inventé les tableurs par exemple, sont des gens qui ont une envie de s’organiser et de se structurer pour gagner du temps et pour aller plus vite à l’essentiel, en l’occurrence à l’analyse, plutôt que de passer du temps à structurer des tableaux de données.

Donc je crois que la classe préparatoire forme très bien à ça, avec en plus pour ce qui me concerne, une donnée de culture générale que l’on perd après et qui est quand même importante quand on veut travailler dans le monde de l’entreprise, parce qu’effectivement c’est la dernière année où l’on pourra vraiment se concentrer sur des problèmes de philosophie, de français, sur l’apprentissage des langues et des civilisations liées à ces langues, sur l’histoire-géo-économie, etc.

Ce que je peux dire aujourd’hui c’est que les jeunes qui entrent aujourd’hui en prépa ont beaucoup plus de chances que je n’en n’avais parce qu’il existe aujourd’hui des options en classes préparatoires, ce que je n’ai pas eu la chance d’avoir, et je suis arrivé seul issu de ma section de baccalauréat face à des gens qui avaient eu une épreuve de bac de maths beaucoup plus structurée, ce qui m’a un peu compliqué la vie. Mais si cela était à refaire aujourd’hui, je le referais encore plus parce que les programmes de classes préparatoires sont davantage orientés vers les compétences et l’appétence des étudiants, plus qu’à mon époque.

  • Pouvez-vous revenir sur votre carrière ? Plus précisément, pouvez-vous décrire le ou les postes que vous ont le plus marqué ?

J’ai commencé à travailler au début des années 80, donc à l’époque en terminant une filière Finance-Comptabilité d’une école de commerce, la voie classique était d’aller dans l’audit, ce que j’ai fait en y passant cinq ans. Ces cinq ans, je l’ai dit, m’ont beaucoup appris, et je pourrais honnêtement les qualifier de « classes préparatoires à la vie professionnelle ». J’ai beaucoup appris parce que l’on est auditeur dans des secteurs d’activités différents, d’entreprises différentes, parce que l’on voit beaucoup de choses. Cela permet aussi d’éliminer ce que l’on ne veut pas faire, les endroits où l’on ne veut pas aller.

Au bout de cinq ans, je n’avais qu’une hâte, c’était d’être opérationnel, de faire des choses concrètes et de contribuer à un projet d’entreprise. C’est la raison pour laquelle j’ai rejoint la filiale française d’un groupe américain pendant trois ans, où j’ai secondé le directeur financier. Après ces trois années, j’ai eu la chance d’être rappelé par le cabinet qui m’avait employé pendant cinq ans parce qu’ils préparaient leur fusion avec un grand cabinet d’audit américain et qu’ils avaient besoin qui soit à la fois capable de connaître le métier des auditeurs et des consultants, de parler anglais, d’intégrer des méthodes de travail américaines, aussi bien sur la partie finances que sur la partie ressources humaines.

J’avais déjà commencé à toucher un peu aux ressources humaines un ou deux ans auparavant, mais à cette occasion-là, j’ai eu un poste très généraliste qui m’a permis de réorienter ma carrière vers une carrière plus RH que finance. Je les ai donc rejoints, j’ai préparé la fusion, et une fois que la fusion a été réalisée, j’ai pris la direction des ressources humaines et des fonctions de support de ce cabinet américain en France, jusqu’à décider de m’installer à mon compte comme consultant RH pendant cinq ans, avant de rejoindre le groupe média L’Express pendant plus de dix ans en tant qu’adjoint de la DRH. J’ai été adjoint pour une raison simple, c’est que j’avais fait des ressources humaines dans un univers où il y avait très peu de relations sociales, de représentants du personnel, et j’avais vraiment besoin de me former sur le terrain à cette partie-là du job que je connaissais moins bien, ce qui m’a permis de l’apprendre sur le terrain et de vivre dans un duo professionnel qui a été une sorte de « troisième cycle » pour reprendre la comparaison avec les études. Si j’ai quitté les médias, c’est parce que j’ai eu cette opportunité d’intégrer l’INSEAD, où je suis maintenant depuis dix ans et demi.

Merci à nouveau à Jacques Bel d’avoir bien voulu répondre à nos questions ! Pour plus d’informations, n’hésite pas à consulter le site officiel de l’INSEAD juste ici ainsi que notre article dédié à cet établissement en cliquant sur ce lien !