IEP

Tu as peut-être déjà vu passer notre article sur l’intégration des IEP après une prépa B/L. Cette fois-ci, nous proposons des conseils pour les khâgneux A/L qui veulent intégrer un de ces instituts pour étudier les sciences politiques ! Les modalités de recrutement ne sont pas les mêmes et peuvent sembler complexes au premier abord. Apprends-en plus à travers le témoignage de Claudia qui a intégré Sciences Po Strasbourg à l’issue d’une khâgne A/L !

Pour commencer, peux-tu nous raconter un peu quel type de lycéenne tu étais ?

J’ai fait une Terminale ES spécialité maths. Pour être honnête, pendant très longtemps, je n’étais pas une très bonne élève… Très moyenne, des notes hétérogènes d’une matière à l’autre… Progressivement, au lycée, j’ai commencé à travailler plus et à avoir de meilleures notes. Tout ça pour dire qu’il ne faut pas s’imaginer que tous les élèves de prépa sont des génies qui ont toujours eu un parcours scolaire brillant ! Parfois, c’est aussi un peu plus compliqué.

Mon objectif numéro un en Terminale était d’entrer dans un IEP. J’ai donc passé le concours de Sciences Po Paris, mais aussi ceux de province. Comme je n’ai pas réussi à les intégrer, il a fallu que je trouve une autre option. J’ai vu la vidéo YouTube de Clarinette sur la prépa littéraire et ça m’a vraiment donné envie. Mon plan, c’était de faire uniquement l’hypokhâgne et de repasser les concours des IEP en Bac+1.

Et finalement, tu es restée jusqu’à la khâgne ?

Oui, parce que la Covid m’a empêchée d’intégrer un IEP après un an comme je l’avais prévu. Le concours 2020 a été annulé et la sélection s’est faite uniquement sur dossier depuis la plateforme Parcoursup. Comme je n’avais pas les notes les plus incroyables qui soient au lycée, je n’ai pas eu la place. Après, j’ai embarqué pour la khâgne en étant quand même motivée ! La spé anglais me faisait très envie et j’aimais beaucoup mon lycée.

J’ai fait ma prépa à Chaptal à Paris. Je l’ai choisie parce qu’elle était proche de chez moi, mais aussi parce que je savais que les profs étaient à l’écoute et qu’il y avait une bonne ambiance ! Je n’avais pas envie d’aller dans les prépas tout en haut du classement, où la pression peut être très forte. Mes deux années sur place sont loin de m’avoir déplu !

Pourquoi avoir choisi Sciences Po Strasbourg ? Que comptes-tu faire à la sortie de l’IEP et quels sont les débouchés qu’il propose ?

Mon objectif initial, c’était Sciences Po Lille ! Le fait que ce soit le plus demandé avait beaucoup joué. J’ai encore un petit papier de motivation avec marqué « Objectif Sciences Po Lille » au-dessus de mon bureau (rires).

J’ai opté pour Strasbourg à la toute dernière minute ! Ils proposent un double master en études européennes qui me permettra de faire mon M1 à Cracovie en Pologne. Étant d’origine polonaise, je me suis dit que ça serait l’occasion d’aller vivre un an là-bas !

En toute franchise, je n’ai pas encore une idée précise du métier que je veux faire après mes études. J’en ai parlé avec la conseillère d’orientation qui est présente sur le campus. D’après elle, « il y a un peu d’Europe partout ». Ça peut aller de métiers administratifs directement dans les institutions européennes à des postes dans des entreprises en France, mais dont le calcul du budget n’est pas sans lien avec les normes et les administrations européennes.

À titre plus personnel, je suis intéressée par les questions en lien avec le lobbying. Il y a de gros groupes qui défendent des intérêts d’entreprises parfois en opposition avec ceux de la population. Pourquoi ne pas travailler dans les administrations qui interagissent avec ces lobbys pour voir comment réduire leur influence ?

J’ai parlé plus en détail du master qui m’intéresse, mais il y en a plein d’autres. N’hésitez pas à regarder le site de Sciences Po Strasbourg qui est très bien fait ! Vous verrez là où travaillent les anciens élèves, comment ils ont trouvé leur premier emploi, etc.

Comment se déroule le cursus ?

Le cursus dure cinq ans en théorie. Chaque année, tu valides 60 ECTS et après cinq ans, tu as un diplôme de Sciences Po qui vaut pour un grade master. Techniquement, on ne valide pas de diplôme de licence après les trois premières années. Maintenant, ce n’est vraiment pas un souci parce que tu as tes 180 ECTS qui te laissent la possibilité de demander des masters dans un autre IEP ou dans une fac.

La plupart des personnes restent quand même jusqu’au bout des cinq années. À Strasbourg, l’année de M2 se termine vers mars. On doit passer un grand oral et partir en stage de fin d’études. La plupart du temps, les étudiants sont pris en CDI dans l’entreprise ou l’institution où ils faisaient leur stage.

Comment s’organise une semaine de cours et quelles sont les matières ?

Dans tous les IEP, il y a cinq gros groupes de matières. On a des cours de droit, d’histoire, d’économie, de sociologie et évidemment de science politique. Il y a aussi des cours de langues et des options qu’on peut choisir. Pour donner une idée, j’ai suivi un TD « Cinéma et Histoire ».

Les matières varient d’un semestre à l’autre et certaines d’un IEP à l’autre. Par exemple, à Sciences Po Strasbourg, on suit des cours de droit administratif qui sont épargnés aux étudiants de Sciences Po Lille (rires).

Les cours se répartissent entre des TD (travaux dirigés) et des CM (cours magistraux) en amphi. La présence n’est obligatoire qu’aux premiers. Les absences injustifiées font perdre des points dans la moyenne. On tourne autour de 25 heures de cours par semaine en fonction des options qu’on a choisies.

Si vous voulez en savoir plus sur les différentes matières, les différentes options proposées dans les différents IEP, n’hésitez pas à contacter des personnes qui étudient là-bas. En passant par Insta ou Facebook, vous devriez trouver sans problème des personnes qui accepteront de vous répondre ! Je sais que le nouveau BDE de Sciences Po Strasbourg est sur Twitter et qu’ils répondent aux questions.

Comment les étudiants sont-ils évalués ?

Très souvent lors d’exposés, surtout dans les langues et les options. Après, les profs choisissent aussi leur mode d’évaluation. J’ai des amis qui ont dû faire des podcasts, par exemple ! J’ai aussi été évaluée avec des fiches de lecture et des minimémoires.

Par ailleurs, on retrouve évidemment des partiels écrits. Typiquement, en histoire, c’était des DST. On a aussi ce qu’on appelle des « colles », mais qui n’ont rien à voir avec les oraux de prépa ! C’est un entraînement écrit évalué pour préparer au partiel qui arrive ensuite. On a une colle dans l’année par matière.

En clair, les modes d’évaluation sont vraiment variés. Ça implique d’être polyvalent et assez bien organisé, parce que parfois les échéances se cumulent. L’avantage d’être évalué un peu tout au long de l’année, c’est que le contrôle continu en TD peut aider à compenser des partiels ratés à la fin du semestre.

Comment s’est déroulée ton année scolairement parlant ? Es-tu satisfaite de ta formation ?

Honnêtement, ça a parfois été un peu chaotique (rires) ! Peut-être que c’est parce que j’avais envie de me reposer un peu après deux années intenses en prépa, mais j’ai eu du mal à aller à tous les cours magistraux, à être régulière, etc.

Après, c’est vraiment un problème qui se pose à tous les anciens khâgneux, je pense. On passe d’une formation où c’est très cadré à un cursus avec des cours magistraux que tu peux sécher si tu veux.

En plus, j’ai vécu seule pour la première fois. J’ai dû gérer les repas, le ménage, les courses, etc. Personne n’était là pour me reprocher de passer ma soirée devant une série au lieu de travailler (rires).

Mais j’ai beaucoup aimé les cours, que ce soit sur le contenu ou sur la forme.

Quelle est l’ambiance au sein de la promotion ?

Il y a une vrai entraide entre les différentes promos. Quand je suis arrivée à Strasbourg, j’ai été impressionnée par toutes les initiatives mises en place.

Ils présentent les matières et les options avec des avis d’anciens élèves et tu as même un petit guide sur Strasbourg. Où trouver un logement ? Comment louer des vélos ? Quels sont les quartiers sympas ? Etc. Je ne sais pas où le BDE trouve toute cette énergie, mais ils sont super bien organisés !

De manière générale, il y a une vraie cohésion de promo. C’est indéniablement un gros avantage par rapport à la fac. Même si on est 200, tu ne te retrouves pas tout seul en arrivant ! Autre gros avantage : le site « La Scola ». Tous les élèves qui le souhaitent peuvent mettre à disposition leurs prises de notes des cours magistraux. Si tu rates des cours, pas besoin de s’angoisser parce qu’il y a un vrai esprit d’entraide.

Tu parles d’un BDE, la vie associative est-elle développée ?

Il y a beaucoup d’associations différentes. Je peux en présenter quelques-unes ici.

  • Stras’Diplomaty, qui participe notamment à des simulations de l’ONU (MUN). Il y a des séances organisées à l’étranger ou même dans d’autres écoles françaises.
  • Sciences Po Forum, qui organise des rencontres et des conférences gratuites avec des personnalités très intéressantes. Ils ont reçu François Hollande, Pap Ndiaye, Bernard Cazeneuve, Hubert Védrine, etc.
  • L’École des jeunes orateurs, qui participe à des concours d’éloquence.
  • L’association Propos, qui crée des médias. Ils gèrent le journal de l’IEP et ont leur propre podcast.

Après, il y en a plein que je n’ai pas citées ! Évidemment, le Bureau des élèves, le Bureau des Sports et aussi des assos culturelles. N’hésitez pas à regarder sur le site de l’école pour en découvrir d’autres !

Revenons-en aux modalités de recrutement, comment un étudiant en prépa A/L peut-il intégrer un IEP ?

Pour ce qui est du recrutement, il dépend des différentes voies d’entrée. Selon les IEP, on peut rejoindre la formation au niveau Bac+1 ou Bac+2. Il faut regarder pour chaque institut quelles possibilités il offre.

Quand vous êtes en hypokhâgne, vous pouvez passer le concours d’entrée en première année. C’est le plus connu, il est accessible aux Terminales et aux Bac+1. Il vous permet de rejoindre n’importe quel IEP (Paris et province).

En Bac+2, à la fin de la khâgne, deux principales options s’offrent à vous pour intégrer les IEP.

  • La première option, celle qui m’a permis d’entrer dans celui de Strasbourg, c’est le concours d’entrée à Bac+2. Normalement il n’existe que pour les IEP de Lyon et d’Aix, mais en 2021, une session exceptionnelle a été organisée pour compenser la session 2020 annulée à cause de la Covid.
  • La seconde, c’est de demander les IEP sur la Banque d’épreuves littéraires (BEL). Ne sont proposés que ceux d’Aix, Lyon et Lille. Votre admissibilité sera déterminée par vos notes aux écrits de l’ENS et vous devrez ensuite passer un oral de personnalité.

Encore une fois, ça varie d’un IEP à l’autre, donc regardez bien sur les différents sites !

J’ai aussi entendu parler d’un recrutement sur dossier, comment fonctionne-t-il ?

De ce que je sais, vous pouvez déposer des dossiers pour deux IEP. Celui de Saint-Germain-en-Laye accepte les personnes à partir du Bac+2, donc vous pouvez postuler en carré et/ou en khûbe. Petite précision quand même : on m’a dit qu’ils préféraient recruter des khûbes.

Ensuite, vous pouvez aussi poser un dossier à Sciences Po Paris, mais pour le coup, c’est réservé aux Bac+3 et inaccessible pour les carrés.

Il y a donc beaucoup de voies de recrutement, laquelle tu conseillerais de privilégier ?

Très clairement, le concours d’entrée en Bac+1 ! Si jamais vous entrez en prépa en sachant que vous voulez les IEP, privilégiez la sélection à la fin de l’hypokhâgne. Ça vous laisse la possibilité d’intégrer l’intégralité des IEP avec de meilleures chances de réussir le concours. Quand on regarde les statistiques, les personnes en Bac+1 ont plus de chance d’être prises que les Terminales.

Si vous voulez rester en khâgne et tenter l’ENS aussi, je vous conseille de miser sur les concours Bac+2 comme celui organisé par Sciences Po Lyon ou de privilégier les recrutements sur dossier.

Tu ne conseillerais donc pas de postuler par la BEL ?

J’aurais tendance à dire qu’il faut s’en méfier un peu parce que c’est vraiment très opaque. Il n’y a pas de chiffres sur le nombre de personnes qui postulent. On ne connaît pas non plus précisément leurs méthodes de recrutement et de sélection…

Il y a très peu de personnes qui sont déclarées admissibles aux oraux. Par exemple, j’ai une amie en carré qui a été admissible à l’ENS Lyon. Une vraie tête, très forte tout au long de l’année et qui avait géré ses concours. Pourtant, elle n’a été reçue aux oraux à aucun des IEP ! J’ai beaucoup de retours de ce genre. Une de mes abonnées sur Instagram m’a raconté que son copain qui a eu 15 de moyenne au concours n’a rien eu non plus ! Il y a des résultats comme ça qui sont réellement incohérents.

Une fois l’admissibilité obtenue, il vous reste à passer l’épreuve des oraux. Comme pour la sélection sur dossier, les critères restent assez flous et les entretiens de personnalités peuvent être difficiles à préparer.

Pour finir, un détail qui a son importance. S’inscrire pour les IEP sur le site de la BEL reste relativement cher. Il me semble que c’est 60 € par école, donc si vous présentez Lyon, Lille et Aix qui sont les trois disponibles, vous devez débourser 180 € !

Tu parlais des entretiens d’admissibilité pour les IEP, quels conseils aurais-tu à donner ?

J’ai eu la chance de ne pas avoir à en passer, mais je tiens quand même à partager un très bon conseil qu’on m’avait donné pour les entretiens de personnalité ! La bonne stratégie, c’est le « CV projectif ». L’objectif, c’est d’imaginer ce à quoi vous voudriez que votre CV ressemble dans 10 ans ! Quel parcours de formation ? Quels stages ? Quelle entreprise/organisation vous aura recruté ? Quel poste occuperez-vous ?

Je sais que c’est une technique qui a beaucoup aidé certains de mes amis pour leurs oraux ! Ça peut aider à préciser le projet professionnel pour mieux convaincre le jury.

Le dernier truc qu’on m’a répété dans les entretiens blancs que j’ai passés, c’est qu’il ne faut pas avoir peur de se valoriser. Beaucoup de personnes ont l’impression d’être très banales et de ne rien avoir à mettre en avant. En réalité, il faut chercher comment chaque élément de votre CV, chacune de vos expériences, peut rendre votre profil unique. Typiquement, ne vous contentez pas de dire « j’aime lire », parce que n’importe quel khâgneux pourrait le dire. Précisez un auteur, un genre ou une époque un peu insolite et que vous aimez bien !

Comment s’était déroulée ta prépa ?

Comme je savais dès le départ que c’était les IEP qui comptaient le plus pour moi, les notes dans les matières littéraires ne me touchaient pas trop. J’étais plus focus sur les épreuves type Sciences Po, donc quand j’avais un vieux 6 en philo, mon raisonnement, c’était vraiment « mieux vaut en rire qu’en pleurer » !

Je n’avais pas toujours des résultats mirobolants, mais compte tenu de mes objectifs, ça m’allait !

Comment tu avais géré la période des concours ?

Plutôt bien, en vrai ! Je suis partie les passer à Rungis avec des potes, on était tous dans le même appart ! Le moral était là, mais après, évidemment, j’ai eu la tête sous l’eau pendant une semaine (rires). Les épreuves s’enchaînent, tu te lèves, tu grattes six heures, tu fais une pause, tu révises et tu vas te coucher. C’était un peu robotique quoi.

Après, j’ai pas eu de moments de déprime majeurs… Sauf peut-être pendant l’épreuve d’histoire qui m’a fait sévèrement paniquer (rires). Après, dans l’ensemble, ça allait, donc je n’en garde pas un mauvais souvenir !

En définitive, je n’ai pas été sous-admissible, mais je n’étais pas particulièrement déçue… Encore une fois, mon objectif central c’était Sciences Po, donc je m’en suis plutôt bien remise (rires). Je me souviens juste d’avoir eu un beau 11,5 en thème d’anglais, alors que je n’avais jamais dépassé le 7 pendant l’année ! C’était vraiment ma petite victoire du concours !

Je pense que l’expérience du concours est une victoire en soi ! Y aller, tout donner et ne pas rendre de copie blanche, c’est déjà un très beau début !

Quel(s) conseil(s) donnerais-tu à des hypokhâgneux ou des khâgneux sur la prépa en général ?

Les notes en prépa, ça va, ça vient… Parfois, ça n’a rien à voir avec un manque de travail, tu es simplement dans un passage où ça marche un peu moins bien… Il faut s’accrocher et il est tout à fait possible que ça refonctionne la fois suivante ! En philo, je pouvais passer d’un 6 en DST à un 14 au concours blanc. En histoire, j’avais des 12 ou des 13 toute l’année et au concours j’ai eu 9. Il faut vraiment aborder les notes avec du recul ! Tant que vous avez donné le meilleur de vous-mêmes, vous n’avez rien à vous reprocher pour vos notes ! Ça ne sert à rien de se molester.

Ce raisonnement est aussi valable dans vos relations avec les profs ! Certains vont vous faire vibrer tellement ils sont intéressants, d’autres vont vous ennuyer à mourir… C’est comme partout, il faut juste chercher à en tirer le plus de bénéfices et de positif possible ! Il y a aussi des profs qui font franchement peur… Je me rappelle d’une prof de lettres en hypokhâgne qui terrifiait toute la classe. Elle m’a fait pleurer à ma première colle, mais quand j’y repense, même si c’était évidemment désagréable, c’était loin d’être la fin du monde pour autant ! Essayez vraiment de ne pas prendre les choses personnellement et de toujours avoir beaucoup de recul !

Le dernier truc, c’est le sommeil ! Je connais beaucoup de gens qui ne dormaient pas assez, mais en ce qui me concerne, mon lit était vraiment devenu un refuge (rire) ! C’est vraiment important de recharger les batteries.

Un grand merci à Claudia pour son témoignage sur son cursus au sein d’un IEP !