L’année 1936 signait un renouveau politique et l’incarnation des volontés ouvrières du pays. Dans le cadre du thème “Mouvements protestataires et luttes populaires (1861-1968)”, nous te proposons de découvrir cette fiche portant sur les grèves au cours de l’année 1936.
Un contexte politique troublé
Renouvellement du gouvernement
À la suite des émeutes de 1934 menées par les ligues d’extrême-droite, le gouvernement français vota la loi sur les groupes de combats et milices privées. Elle donnait au Président de la République la possibilité de dissoudre un groupe d’action politique sur le territoire français, s’il estimait que ce groupe pouvait porter atteinte à la sûreté d’Etat. Le 19 janvier, Edouard Daladier fut élu à la tête du parti Radical-socialiste. Fondé en 1901, ce parti républicain était historiquement classé à gauche. Daladier succédait à Edouard Herriot, qui abandonna sa fonction de Ministre d’Etat par la même occasion. Son départ et celui des radicaux au gouvernement entraîna la démission du quatrième gouvernement Pierre Laval. Ainsi, un cabinet “de transition” fut formé d’urgence par Albert Sarraut, jusqu’au 4 juin 1936.
Quelques jours plus tard, Léon Blum fut grièvement blessé par des militants de l’Action française, menés par Jacques Bainville. Ce passage à tabac entraîna des protestations et des manifestations dans les groupes de la gauche française le 16 février 1936. Elles donnèrent un nouveau souffle à la gauche: la CGT et la CGTU se réunirent au congrès de Toulouse, du 3 au 6 mars 1936. Ceci eu pour effet d’augmenter considérablement le nombre d’adhérents au parti, propulsé à 750 000 membres.
Victoire du Front Populaire
La France était menacée de l’Allemagne, qui à son est, remilitarisait la frontière, en violation complète du Traité de Versailles. Adolf Hitler proposa au gouvernement français de ratifier un pacte de non-agression, mais la France, inquiète des forces que reprenait l’Allemagne, saisit la Société des Nations. Le gouvernement français n’était donc pas disposé à écouter les revendications sociales de son peuple.
D’autre part, au sein de l’Assemblée française se propageait le mythe des Deux-cents familles: un très petit nombre de familles françaises tiendraient le pouvoir entre leurs mains, en l’occurrence celles des deux-cents hommes siégeant au conseil de régence. En réaction, le 17 avril, Maurice Thorez prononça un discours sur Radio Paris, pour unir la France contre ces deux-cents familles. Ce discours s’adressait directement aux catholiques et aux Croix-de-feu, un mouvement d’anciens combattants français de la Grande guerre. Ainsi, Thorez exprimait le premier la volonté d’extension du Parti communiste français (PCF) vers des mouvances de droite et d’extrême-droite.
Le 3 mai 1936, le Front populaire sortit victorieux des élections législatives, remportant 475 sièges, contre 220 pour l’opposition. Certains y virent les bénéfices de l’intervention de Maurice Thorez. Toutefois, la plupart des historiens s’accordent sur le fait que les conditions de vie des ouvriers français couplées à la montée des organisations d’extrême-droite en France furent déterminantes dans l’accession du Front populaire à la majorité parlementaire.
De mai à août 1936 : grèves et manifestations nationales
Grèves en province
Le 1er mai 1936 fut une journée de grève nationale et de manifestations ouvrières, en conséquence de nombreuses années de frustrations sociales et des espoirs engendrés par l’élection du Front populaire. Les grèves prirent une tournure bien plus importante à la mi-mai, à partir notamment des usines Breguet au Havre, puis se propagèrent au sein des entreprises aéronautiques, notamment l’usine Latécoère à Toulouse, et arrivèrent dans les bassins miniers. Ces grèves paralysèrent la France : les matières premières exploitées dans les provinces françaises étaient souvent transformées à Paris. Par conséquent, les usines parisiennes se trouvèrent rapidement emportées dans le mouvement de grève.
Grèves en région parisienne
Le 26 mai, toute la région parisienne s’immobilisa: 100 000 ouvriers métallurgistes étaient en grève. Les usines automobiles et la construction mécanique furent principalement touchées, et le 26 mai, les usines Renault de Billancourt étaient entièrement en grève. Au mois de juin, à Paris-même, les grands magasins furent atteints : les Galeries Lafayette et la Samaritaine furent fermées de force.
Le 4 juin, Léon Blum instaura le premier gouvernement socialiste. Pour la première fois en France, trois femmes y étaient nommées. Ce cabinet tenta de relancer l’économie en berne, impactée par les grèves, par un interventionnisme manifeste, en réinjectant beaucoup d’argent dans l’économie. Néanmoins, 2,5 millions d’ouvriers, de vendeurs et de travailleurs étaient en grève, pour un point culminant de 12 000 usines et lieux de travail fermés. Les conséquences furent assez importantes : tout le pays était arrêté, et les usines n’approvisionnaient pas les magasins, qui étaient en banqueroute. Au cours du mois de juin, le journal L’Echo de Paris titra : “Paris a le sentiment très net qu’une révolution a commencé”. Les radicaux et les conservateurs y voyaient un mouvement insurrectionnel engendrés et encouragés par le PCF : de nombreuses usines occupées par les grévistes affichaient très fièrement le drapeau rouge.
Grèves dans les colonies françaises
Le 2 août, Messali Hadj, chef du Parti de l’Etoile Nord-africaine d’Algérie, prononça un discours lors du Congrès Musulman à Alger, condamnant le rattachement de l’Algérie à la France et réaffirmant sa lutte pour l’indépendance. Cet appel lança un mouvement de protestations en Algérie. Quelques révoltes étaient également à noter au Maroc. Le 17 octobre se déroulait un congrès constitutif du parti communiste algérien, qui appela immédiatement à la grève.
Conséquences à l’échelle nationale
Conséquences politiques
Ces mouvements de grève forcèrent Léon Blum à adopter en masse de nouvelles lois. Les 7 et 8 juin, la CGT, les délégués du patronat et le gouvernement se réunirent, et signèrent les accords de Matignon, reconnaissant les délégués syndicaux, l’élection de délégués du personnel, la signature de conventions collectives, la semaine de travail de quarante heures, deux semaines congés payés annuellement, et, entres autres, l’augmentation des salaires de 7 à 15 %.
Le 11 juin, Maurice Thorez fit de nouveau une allocution à la radio, appelant à la fin de la grève, et le 12 juin, les ouvriers métallurgistes de la région parisienne reprirent le travail. Le 24 juillet, le conseil de régence fut remanié, et les deux-cents actionnaires cédèrent leur place à des représentants de l’Etat, des milieux agricoles, ouvriers et industriels notamment. Le 29 juillet, un décret améliorant la retraite des ouvriers fut ratifié par le gouvernement. Le 28 août, une loi sur l’amélioration des assurances sociales fut ratifiée, qui abordait au passage la notion de retraite pour les ouvriers : cette loi autorisait également la constitution d’unions mixtes de coopération, permettant donc la création de syndicats.
Conséquences économiques
A la fin de l’été 1936, une loi institue un Office national interprofessionnel du blé, qui a pour objectif principal de stabiliser le cours du blé et de garantir un revenu décent pour les agriculteurs, les plus touchés par la crise. Le 18 août, un budget de 20 milliards fut alloué à une politique de grands travaux, qui devait permettre l’aménagement des routes françaises et l’électrification des campagnes, ainsi que la poursuite de construction d’un réseau de chemins de fer français. Le 19 août, pour stimuler l’économie, Léon Blum vota une loi assouplissant l’accès au crédit pour les petites entreprises, ainsi qu’une Caisse nationale des marchés de l’Etat, pour centraliser les commandes publiques.
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