étrangers

Dans le cadre du programme d’histoire du concours A/L et LSH 2025, nous te proposons la deuxième partie de notre analyse sur les étrangers durant la Première Guerre mondiale en France. La première partie est à retrouver juste ici.

La perception des étrangers dans la société française

Des sentiments ambivalents

La présence d’étrangers en France pendant la Première Guerre mondiale suscite des réactions ambivalentes au sein de la société française. Alors que le conflit atteint son apogée, les sentiments patriotiques et le contexte de guerre exacerbent les différences culturelles et les tensions sociales. Les étrangers, bien que nombreux à contribuer à l’effort de guerre en tant que soldats et travailleurs, sont parfois perçus avec méfiance par la population française. Ces suspicions touchent particulièrement les ressortissants des pays ennemis, comme les Allemands et les Austro-Hongrois, mais concernent également des étrangers venus des pays alliés ou des colonies françaises, dont les mœurs et pratiques diffèrent souvent.

Les travailleurs et les soldats venus d’Afrique, d’Asie et des régions méditerranéennes sont ainsi souvent perçus comme des étrangers, en dépit de leur engagement pour la France. Leur apparence physique, leurs traditions culturelles et religieuses, ainsi que leurs habitudes de vie, parfois très éloignées de celles des Français, suscitent incompréhension et rejet. En période de guerre, la crainte d’infiltration et d’espionnage alimente cette méfiance, en particulier dans les régions frontalières et les grandes villes où se concentrent des populations issues de diverses communautés étrangères. Ces tensions culturelles mènent parfois à des conflits ouverts, et certains étrangers deviennent victimes d’actes de discrimination et de violence verbale ou physique.

Les étrangers comme « indésirables »

Le gouvernement français, sous la pression des peurs collectives, met en place des mesures strictes de surveillance à l’égard des étrangers, en particulier pour ceux issus des pays ennemis. Les Allemands et les Austro-Hongrois, présents en France avant le début du conflit, sont classés comme « indésirables » dès le début de la guerre. Suspectés de potentielles sympathies pour l’ennemi, voire d’espionnage, de nombreux ressortissants de ces pays sont arrêtés, surveillés et parfois internés dans des camps de détention.

Ces camps, destinés à isoler les étrangers considérés comme des « menaces », se multiplient sur le territoire français. Les conditions de vie dans ces lieux d’internement sont souvent rudes, et les familles étrangères souffrent d’un isolement social marqué. En parallèle, des mesures sont instaurées pour contrôler la circulation des étrangers en France : la délivrance de permis de séjour, l’obligation de se déclarer auprès des autorités locales et la surveillance accrue de certains quartiers urbains.

Les Italiens, bien que membres des Alliés à partir de 1915, n’échappent pas à des discriminations dans certains cas, en raison des différences culturelles et d’une méfiance envers les travailleurs étrangers. Ces mesures de restriction et d’internement témoignent de la perception ambiguë que la société française entretient vis-à-vis de ces populations étrangères, oscillant entre un besoin de main-d’œuvre indispensable et une crainte de trahison.

Les travailleurs coloniaux : Indochinois, Africains, Maghrébins

Les conditions particulières des travailleurs coloniaux

Mis à part quelques hommes employés aux moissons ou aux vendanges, la grande majorité des colonisés sont embauchés dans l’industrie. Ils sont placés sous régime militaire, à l’exception de 30 à 50 % des Maghrébins selon les périodes. Dans chaque région militaire, ils sont rangés dans des « groupements » placés sous l’autorité d’un commandant général. Ils sont en principe nourris et logés par l’État et sont surveillés par des « bureaux des affaires indigènes », créés en 1916. Cependant, dans la plupart des cas, les travailleurs coloniaux sont logés dans des baraquements de fortune souvent lamentables. Les installations modèles de Toulouse sont des exceptions. Les ouvriers sont généralement assez bien nourris, mais de manière monotone.

La santé est souvent précaire et, souvent, elle se détériore. En deux mois, au groupement de Vénissieux, l’effectif diminue de 14 % au printemps 1917 : décès, hospitalisations, inaptitudes physiques, etc. À la poudrerie de Bergerac, deux épidémies provoquent une mortalité de 4 % chez les ouvriers français, de 13 % chez les algériens, de près de 20 % chez les annamites. Les ouvriers « libres » se portent mieux : tous sont des hommes faits. Mais l’alcoolisme les travaille, ce qui entraîne l’interdiction théorique, dès 1917, de la vente d’alcool pour les seuls « indigènes de l’Afrique du Nord ».

En tout, durant quatre ans, l’Afrique du Nord va envoyer 180 000 travailleurs dans l’Hexagone, dont beaucoup vont rester sur place après la fin des hostilités. 100 000 Algériens et 40 000 Marocains ont été envoyés en métropole, essentiellement dans les grandes villes, comme Paris, Marseille, Lyon et Saint-Étienne, mais aussi quelquefois dans les campagnes, afin de remplacer la main-d’œuvre masculine partie au front. Les premiers quartiers historiques maghrébins de France se sont constitués à cette époque : la Goutte-d’Or à Paris ou encore Vénissieux à Lyon. C’est de la Première Guerre mondiale que date l’immigration maghrébine en France.

Les séquelles sociales et politiques

Néanmoins, les conséquences ont été nombreuses et importantes : de nombreux Africains ont perdu la vie dans cette guerre (70 000), de nombreux blessés et mutilés, des villages indigènes ont été détruits ainsi que les infrastructures et les plantations mises en place par les Allemands, de graves pénuries alimentaires, des famines ont touché les zones de combat. Les colonisés ont donc pris conscience de leur dignité et le mythe de l’homme blanc invincible et supérieur est tombé, ce qui a engendré la naissance des mouvements nationalistes durant l’entre-deux-guerres.

La Première Guerre mondiale a ainsi fait surgir des forces de contestation du fait colonial. Les premières révoltes nationalistes réclament, au nom des principes républicains, l’économie politique et l’égalité sociale, voire l’indépendance. C’est le cas en Algérie avec Messali Hadj (nationaliste algérien qui dirige à partir de 1926 la première organisation indépendantiste algérienne). C’est également le cas au Maroc, marqué par les révoltes des tribus du Rif (région située au nord du Maroc) en 1925-1926. La France y répond par une répression sanglante. En 1930, le Maroc voit naître une organisation anticolonialiste, appelée les Jeunes marocains (étudiants marocains anticolonialistes qui s’organisent face à une mesure française de désislamisation de la justice).

C’est dans le contexte de cette fermentation anticoloniale internationale, mais sans encadrement communiste, que les mouvements de libération se propagent. Les congrès panafricains continuent dans la lancée de celui de Paris en 1919. Ils militent d’abord pour la décolonisation en Afrique et aux Antilles, une revendication fondamentale étant de mettre fin au régime colonial et à la discrimination raciale, et d’exiger le respect des droits de l’homme et l’égalité des chances économiques.

Sources

Jean Meyer, Jean Tarrade, Anne Rey-Goldzeiguer, Jacques Thobie, Histoire de la France coloniale : Des origines à 1914, Armand Colin, Collection U, 2016

Charles-Robert Ageron, Catherine Coquery-Vidrovitch, Gilbert Meynier, Jacques Thobie, Histoire de la France coloniale : 1914-1990, Armand Colin, Collection U, 2016

Site internet du musée de l’histoire de l’immigration

 

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