Valéry Giscard d’Estaing (1926-2020) connaît une ascension fulgurante : brillant économiste, nommé, à 36 ans, ministre des Finances et des Affaires économiques, puis élu, à 48 ans, président de la République… L’érosion de sa popularité au cours de son mandat contraste avec l’engouement qu’il avait tout d’abord suscité. Cet article a pour objectif de te résumer la vie de cette figure incontournable de la vie politique française.
Valéry Giscard d’Estaing a gravi rapidement les échelons
Problématique : Comment expliquer l’affaiblissement de son influence politique au terme de son mandat présidentiel, alors qu’il semblait disposer de nombreux atouts pour moderniser la France et faire face à la crise économique ?
Ce plan détaillé te permettra d’y voir plus clair sur la vie de cette figure importante du programme. Ces informations illustrent toujours des idées qui s’articulent entre elles en vue de répondre à la problématique.
Sa carrière précoce et son brillant parcours
Tout d’abord, son succès dans ses jeunes années s’explique par le cadre dans lequel il a grandi et son talent personnel.
Un milieu familial porteur
- Père : inspecteur des finances, homme d’affaires, haut fonctionnaire influent.
- Grand-père maternel (Jacques Bardoux) : député, puis sénateur du Puy-de-Dôme.
- Arrière-grand-père maternel (Agénor Bardoux) : ministre de l’Instruction publique.
Un parcours personnel brillant
- Élève au lycée Janson de Sailly, il obtient le baccalauréat.
- Engagé à la Libération dans la première armée de Lattre, il participe aux campagnes d’Alsace et d’Allemagne, dont il revient avec la croix de guerre.
- Il obtient des résultats à l’École Polytechnique lui permettant d’intégrer l’ENA sans concours.
- Parmi les premiers de l’ENA, il peut choisir un grand corps : l’Inspection des Finances.
Un personnage qui s’impose progressivement dans la sphère politique
Valéry Giscard d’Estaing obtient la confiance des hommes politiques influents de la IVe République dans le domaine de la Finance
- 1954 : il est chargé de mission auprès du ministre des Finances, Edgar Faure, dans le gouvernement Mendès France.
- 1955 : il est directeur adjoint du cabinet d’Edgar Faure, président du Conseil, puis il siège au gouvernement Pinay au ministère des Affaires étrangères.
- Pinay aurait même prévu de confier à Valéry Giscard d’Estaing le secrétariat d’État.
Mais il se démarque aussi volontairement des hommes politiques qui lui ont été proches
- Opposition avec Pinay au moment de la création des Républicains indépendants (RI – 1966) : il est favorable à la création de ce groupe parlementaire pour rallier la majorité, alors que Pinay refuse de mener une stratégie d’intégration au gaullisme.
- Ministre des Finances sous De Gaulle de 1962 à 1966, il n’est pas reconduit dans ses fonctions dans le nouveau gouvernement Pompidou. Cela l’incite à se démarquer du gaullisme en lançant les clubs Perspectives et Réalités et en faisant des RI un parti politique : la Fédération nationale des Républicains indépendants (FNRI).
Valéry Giscard d’Estaing soigne son image et ses relations
Dans la perspective de l’après-gaullisme et d’une éventuelle candidature à la présidentielle, il soigne son image et les relations qu’il noue.
Il prête notamment attention à son image dans les médias, on assiste à la naissance du « style Giscard »
- Février 1966 : L’Express titre « Naissance d’un dauphin » à la suite de son intervention dans l’émission de télévision Face à face.
- Formules célèbres : le « oui mais », « le gaullisme réfléchi ».
- Le « style Giscard » : un mélange heureux de jeunesse, de décontraction, mais aussi de sérieux et de technicité.
Le soutien réservé au gaullisme, mais la volonté de participer au gouvernement, une stratégie pour accéder à la présidentielle
- Valéry Giscard d’Estaing est en désaccord avec la majorité de son groupe parlementaire gaulliste : il exprime ses réserves quant au référendum de De Gaulle en 1969, l’estimant mal préparé, même s’il est favorable à la régionalisation. Il aurait préféré employer la voie parlementaire pour la mettre en place.
- Pourtant, il soutient la candidature à la présidentielle de Pompidou, et il obtient le ministère des Finances en juin 1969 dans le gouvernement Chaban-Delmas, puis dans le gouvernement de Messmer.
- En parallèle, la FNRI qu’il a créée critique le Premier ministre Chaban-Delmas.
« La Démocratie giscardienne » (Jean-Christophe Petitfils), ou un nouveau style présidentiel
Un premier président de la Ve République non gaulliste incarnant une volonté de modernisation
Valéry Giscard d’Estaing incarne un changement singulier, le « changement sans risque »
- Lors du débat télévisé du second tour des élections, il se démarque par sa maîtrise de cet instrument de communication ; sa jeunesse à elle seule incarne le changement.
- Discours d’intronisation : « De ce jour date une ère nouvelle de la politique française. »
- Volonté d’être l’homme de la concertation et de la « décrispation », qui « regarde la France au fond des yeux ».
- Pourtant, les liens qu’il a entretenus avec le gaullisme font apparaître son mandat comme une « ouverture dans la continuité ».
Valéry Giscard d’Estaing en trois mots : « Centriste, libéral et européen »
- Dénonciation de l’anachronisme des idéologies, marxistes ou même libérales, qui sont des « systèmes construits » à une époque donnée. D’où sa volonté de « couper les deux bouts de l’omelette ».
- Il croit à l’évolution vers un consensus politique autour des centristes, du fait de l’uniformisation progressive de la société autour des classes moyennes.
- Fidèle à l’économie de marché, il ne récuse pas l’économie contractuelle et la politique conjoncturelle.
- La politique européenne de Valéry Giscard d’Estaing est l’axe majeur de sa politique étrangère : relations personnelles avec le chancelier Schmidt, renforcement de la coopération franco-allemande dans le cadre européen, création du Conseil européen (1974), du SME (1979).
Ses réformes nombreuses inquiètent la majorité et créent un contentieux avec les gaullistes
Le début du septennat de Valéry Giscard d’Estaing s’ouvre sur un calendrier dense de réformes
- Abaissement de l’âge électoral à 18 ans (juillet 1974).
- Modification du statut de l’ORTF (radio) qui rompt le monopole étatique (août 1974).
- Élargissement aux parlementaires du droit de saisine du Conseil constitutionnel (octobre 1974).
- Loi Veil sur l’IVG (janvier 1975) qui a suscité des réactions hostiles de la majorité, mais est retenue comme mesure majeure de son mandat.
- Loi Haby (juillet 1975) qui démocratise l’enseignement secondaire.
- Généralisation du régime de la Sécurité sociale.
Ces mesures entretiennent la mésentente avec les gaullistes et l’affrontement RPR-UDF
- Août 1976 : démission du Premier ministre Chirac (membre du RPR), qui estime manquer de marge de manœuvre. On peut principalement y voir une stratégie électorale.
- Le principal point d’achoppement avec les gaullistes est la politique d’ouverture européenne de Valéry Giscard d’Estaing : dans son fameux « appel de Cochin », Chirac qualifie l’UDF de « parti de l’étranger » (ce qui n’empêche pas la liste conduite par S. Veil d’arriver en tête).
Difficultés économiques et maladresses personnelles : son échec aux nouvelles élections présidentielles
La personnalité de Valéry Giscard d’Estaing est de plus en plus contestée dans un contexte de crise économique
- Certes, ses rencontres dînatoires avec des couples de Français ou ses petits déjeuners avec les éboueurs font sourire… mais lui valent parfois d’être accusé de démagogie.
- On lui reproche aussi d’être le technocrate manquant de pragmatisme et parfois inadapté au terrain (incapable de comprendre le mouvement Tous au Larzac, qui dénonce entre autres la gouvernance technocratique trop centralisée et hors sol).
Le contexte économique et politique n’est plus à son avantage
- L’amplification de la crise économique contribue à son impopularité croissante.
- L’affaire des diamants éclate dans Le Canard enchaîné (octobre 1979). Publication d’une photocopie d’une lettre dans laquelle le président centrafricain Bokassa évoque la remise d’une plaquette de diamants à Valéry Giscard d’Estaing, mais celui-ci refuse de s’en expliquer jusqu’en 1985.
Écarté du pouvoir, Valéry Giscard d’Estaing souhaite demeurer au cœur de l’opposition
Après une très courte retraite politique, il entend demeurer une figure de l’opposition, en dépit de sa position qui semble définitivement fragilisée.
Il sort rapidement de sa retraite politique (moins de trois ans après son échec présidentiel) et jouit encore d’un certain crédit
Valéry Giscard d’Estaing revient sur le devant de la scène avec succès
- Victoire aux élections cantonales de mars 1982, avec 71,99 % des voix.
- Retour réussi dans les médias : dans l’émission « L’Heure de vérité », il déclare : « J’ai été ému de vous retrouver ce soir. »
- Cumul des mandats : président du conseil régional de l’Auvergne depuis 1986, député du Puy-de-Dôme en septembre 1984 ; réélections en mars 1986 et en juin 1988.
- Il conduit une liste d’union UDF-RPR qui arrive en tête avec 28,87 % des suffrages exprimés et 26 sièges en juin 1989.
Mais ses espérances de responsabilités ministérielles sont déçues
- Les sondages de 1984 le placent en troisième position, après Chirac et Barre, comme candidat potentiel de l’opposition.
- Il ne participe pas, contrairement à ses espérances, au gouvernement de Chirac en 1986.
La reconquête difficile au sein de l’UDF devant faire face à un RPR de plus en plus présent
Il affronte des rivalités au sein de l’UDF, formation politique qu’il a lui-même créée
- Comme le RPR, l’UDF connaît un rajeunissement de ses cadres.
- Il doit faire face aux initiatives de François Léotard.
Il continue de croire en un regroupement de la social-démocratie au RPR, mais ne peut que constater les avancées du RPR qui rendent son projet de moins en moins crédible
- Il reste fidèle à son projet de rallier « deux Français sur trois » (1983).
- Élections législatives de 1993 : 242 sièges pour le RPR, contre 206 pour l’UDF.
Une position fragilisée et une faible popularité dans le pays semblent mettre définitivement un terme aux ambitions de Valéry Giscard d’Estaing
À la veille des élections présidentielles de 1995, sa position semble fragilisée par les contestations internes de sa formation
La présidence de l’UDF, qu’il assume de 1988 à 1996, ne lui permet pas de revenir sur le devant de la scène politique nationale. Il est conscient de sa faible popularité dans le pays et, par conséquent, ne se présente pas aux présidentielles de 1995.
Conclusion
Valéry Giscard d’Estaing est un homme politique brillant et précoce, dont l’ambition ne semble pas faiblir. Il dispose de nombreux atouts lui permettant d’accéder à la présidence de la République très jeune. Renouvelant le style présidentiel et modernisant la société française, il se heurte cependant aux gaullistes, dont l’influence demeure importante, qui lui reprochent sa politique européenne. Il est également affaibli par une popularité décroissante au fur et à mesure de son mandat, les Français voyant en lui un intellectuel distant.