Panthéon

Que tu sois en khâgne A/L ou B/L, tu seras peut-être amené·e à passer les épreuves orales de latin aux ENS de Lyon et/ou de Paris. Pour décrocher une bonne note, tu devras avoir des connaissances solides sur la vie et l’œuvre des grands auteurs romains. Après Virgile, Cicéron et Ovide, nous te proposons de partir à la découverte d’un célèbre historien : Salluste !

Salluste (Caius Sallustius Crispus) naît en 86 av. J.-C. à Amiternum en pays sabin. Sa famille d’origine plébéienne était néanmoins relativement aisée. Cet auteur est connu tant pour son engagement politique auprès des populares que pour ses œuvres historiques. Grâce à cet article, tu en apprendras autant sur sa carrière politique que littéraire !

Salluste politique

Un engagement avec les populares

Salluste appartient au courant des populares. À la fin de la République romaine, il désigne un ensemble d’hommes politiques tentant de réformer les institutions et la société romaine. Menés par des figures comme Jules César ou Pompée, ils s’opposent aux optimates conservateurs, parmi lesquels Cicéron.

On connaît l’engagement politique de Salluste, notamment grâce à deux lettres adressées à Jules César. Selon Pierre Grimal, ces Lettres à César sont authentiques et l’historien expose au dictateur un « programme réaliste » pour résoudre « les maladies profondes » dont souffre l’État romain. Parmi elles, la place trop importante prise par l’argent ou l’autorité exorbitante de la noblesse. Sans être un démocrate à proprement parler, Salluste réclame une part de pouvoir pour le peuple.

Une carrière politique malheureuse

Proche de César, Salluste occupe de nombreuses charges politiques prestigieuses. Il est questeur en 55 av. J.-C. et assiste les consuls Pompée et Crassus. En 52 av. J.-C., il devient tribun de la Plèbe. Son rôle en tant que magistrat est donc de défendre les intérêts de la frange plus populaire des citoyens romains.

Dans un contexte de fortes tensions politiques, la rencontre de Milon (homme fort des optimates) et de Clodius Pulcher (proche des populares) dégénère. Lors du procès des meurtriers, Salluste et d’autres alliés des populares accusent Milon d’être l’auteur du crime. Il est alors défendu par Cicéron. Malgré un discours aujourd’hui connu (le Pro Milone), Milon perd son procès et est condamné à l’exil.

La part active à la campagne dirigée contre Milon a coûté cher à Salluste. Lors de la dernière censure de la République, il est exclu du Sénat en 50 pour « immoralité ». Un chef d’accusation qui peut s’expliquer par les accusations régulièrement formulées par ses opposants. Ces derniers pointaient fréquemment du doigt les mœurs supposées dissolues de Salluste. En particulier, on lui reproche son aventure avec Fausta, l’épouse de Milon.

Implication dans la guerre civile

Au début de la guerre civile entre Pompée et Jules César en 49 av. J.-C., Salluste prend évidemment parti pour ce deuxième. Le vainqueur de la guerre des Gaules lui confie des commandements importants.

En 49, César l’envoie en Illyrie pour mener la flotte romaine pour appuyer le débarquement d’Antoine. Salluste est finalement vaincu par les Pompéiens. En 47, il est chargé de soumettre les légions romaines mutinées de Campanie. Encore une fois, l’échec est cuisant. César doit intervenir en personne. À la fin de sa vie politique, Salluste est proconsul en Afrique. Nommé au poste par César, il se constitue une fortune personnelle importante.

L’historien finit par se retirer de la vie politique à la mort de César en 44 av. J.-C. Alors âgé d’une quarantaine d’années, il se retire dans sa villa romaine célèbre pour ses magnifiques jardins. Une tradition jugée « incertaine » par Pierre Grimal veut qu’en 46 av. J.-.C, il ait épousé Terentia, épouse répudiée de Cicéron.

Salluste écrivain

Gravure représentant Salluste
Gravure représentant Salluste (crédit : Wikipedia commons)

L’écriture occupe les dernières années de la vie de Salluste. Le Sabin est l’auteur de trois grandes œuvres historiques, dont seulement deux nous sont parvenues entièrement. Les deux « monographies » de l’auteur ne sont pas sans faire écho à ses opinions politiques. Si Salluste se distingue par son style, sa partialité est souvent pointée du doigt.

Le style de Salluste

On peut considérer Salluste comme un des premiers historiens romains qui ait aussi été un écrivain à part entière. Avant lui, Rome avait connu des annalistes, des chroniqueurs ou des compilateurs, dont le style strictement historique ne les rapprochait pas de la littérature.

Salluste se distingue de ses prédécesseurs par sa force narrative et son originalité. Les innovations de langue audacieuses se mêlent à des archaïsmes et à des emprunts aux langages familiers et hellènes. L’historien cherche une impression de vie avec des raccourcis dans le récit ou en employant des tours atemporels comme l’infinitif de narration. On est loin du « naturel » cicéronien.

Mais le travail de Salluste peut être pointé du doigt pour son manque de rigueur historique par certains points. Si l’auteur fait l’effort d’expliquer les causes des événements politiques et de traiter les motivations des acteurs de l’Histoire, ses bornes géographiques et historiques sont parfois fautives. Enfin, on peut lui reprocher l’influence de ses convictions politiques. Dans plusieurs de ses œuvres, il insiste vigoureusement sur les vices et la corruption de l’oligarchie comme pour appuyer les demandes des populares pour plus de participation du peuple aux décisions politiques.

L’œuvre de Salluste se démarque par une vraie réflexion historique sur l’enchaînement des événements. Néanmoins, elle perd un peu en crédibilité factuellement parlant puisque la temporalité historique est reconstruite et dramatisée.

De Catilinae coniuratione (43 av. J.-C.)

La Conjuration de Catilina analyse la révolution avortée de Catilina en 63 av. J.-C., grâce à l’intervention de Cicéron qui a dénoncé ses actes devant le Sénat. Son discours, Les Catilinaires, a contribué à le rendre célèbre et constitue l’autre source majeure sur cette affaire. Catilina est finalement condamné, il quitte Rome et ses complices sont arrêtés et exécutés. Il finit par mourir en 62 av. J.-C. lors d’un combat.

Ce récit historique est l’occasion pour Salluste de revenir sur des thèmes politico-historiques qui lui tiennent à cœur. Il souligne les crimes abjects dont s’est fait complice une poignée de nobles. L’historien décrit leur déchéance morale et ses causes : le goût du plaisir, les mœurs corrompues et la passion de l’argent.

Cicéron et Salluste étaient des ennemis politiques. On peut considérer que le fait de raconter un des grands faits d’armes de son adversaire prouve une forme d’impartialité sallustéenne. Certes, le personnage de Cicéron apparaît moins grandiose que dans Les Catilinaires, mais peut-on réellement s’en étonner puisque le discours donne la vision cicéronienne de l’affaire ? Chez Salluste, Cicéron n’est pas un homme providentiel, mais ses actions n’en sont pas pour autant minimisées.

De Bellum jugurthinum (40 av. J.-C.)

La Guerre de Jugurtha raconte la guerre menée par Rome contre Jugurtha, le roi des Numides entre 112 et 105 av. J.-C. Au-delà des exploits guerriers et des batailles qu’il raconte, ce récit permet à Salluste de montrer comment le régime aristocratique instauré après la défaite des Gracques s’est ruiné progressivement.

La guerre menée par Rome illustre surtout la compromission dans les rangs des élites latines et sénatoriales. En dénonçant la corruption régnant dans la classe politique romaine à la fin du IIᵉ siècle av. J.-C., Salluste défend en réalité une certaine idée de la politique et de la morale applicable à ses contemporains.

Les Histoires

Il ne nous reste que quelques fragments de ces récits. Les quatre discours et les deux lettres qui nous sont parvenus laissent entendre que les Histoires racontent l’histoire romaine entre la mort de Sylla en 78 av. J.-C. et la victoire de Pompée contre les pirates en 67 av. J.-C.

Ces textes sont publiés en 1777 sous le titre Histoire de la République romaine dans le cours du VIIᵉ siècle. Le travail de reconstitution a été mené par Charles de Brosses, le premier président du parlement de Bourgogne. Le texte comprend une partie traduite du latin d’après les textes d’origine et une partie recomposée à partir de fragments.

Tu es à présent incollable sur la vie et l’œuvre de Salluste ! Le jury peut autant faire tomber des textes historiques que des poèmes le jour du concours. Tu devras impérativement être au point sur les principaux historiens romains et sur leurs ouvrages pour réussir le jour J. Ces connaissances sur Salluste te permettront de nourrir ton introduction et ton commentaire de texte.

N’oublie pas non plus de relire nos conseils pour réussir ta traduction latine !