Alors que Shanghai est la ville cosmopolite la plus attractive pour les investisseurs étrangers en Chine, le Bureau d’éducation de Shanghai (上海市教育局) a annoncé annuler l’épreuve d’anglais pour l’examen final d’entrée en école primaire (小学的英文期末考试). Cette décision semble surprenante venant d’une ville qui a, en moyenne, le meilleur niveau d’anglais de toute la Chine. L’engouement pour l’apprentissage de l’anglais (英语热) a beaucoup fluctué ces dernières années. Bien que cette langue reste cruciale sur le marché du travail (劳动力市场), les enfants montrent une réticence croissante à l’apprendre.
L’engouement de l’anglais dans les années 1990
L’anglais, un tremplin professionnel
En 1978, lorsque la Chine a décidé d’ouvrir ses portes, les entreprises étrangères ont commencé à s’installer dans le pays. Leur nombre a explosé en 2001, soit l’année d’entrée du pays au sein de l’OMC (世贸组织). L’arrivée de ces entreprises était perçue comme une aubaine pour grimper l’échelle sociale. En effet, l’un des critères fondamentaux pour accéder à un métier de cadre est la maîtrise de la langue anglaise. La série culte (热播剧) chinoise, Beijing ren zai Niu Yue (北京人在纽约), illustre le réel engouement de l’anglais en Chine dans les années 1990, avec une audience atteignant 61 % (收视率达到了61%) lors de sa diffusion.
De nombreux ménages chinois rêvaient d’une vie meilleure grâce aux échanges universitaires aux États-Unis et à l’anglais. Les échanges à l’étranger, notamment aux États-Unis, étaient considérés comme un tremplin pour la carrière professionnelle (镀金). Cette idée était portée par des entrepreneurs, comme le fondateur de Sohu (搜狐) ayant créé son entreprise après des études aux États-Unis.
C’est également dans les années 1990 où les cours d’anglais ont explosé.
Deux personnes sont connues pour avoir impacté l’apprentissage de l’anglais
Li Yang (李阳) a initié et démocratisé une méthode connue sous le nom de Crazy English (疯狂英语). La méthode consiste à crier les phrases afin de dépasser la timidité que les Chinois peuvent avoir lorsqu’ils parlent anglais. Elle met l’accent sur la prononciation et la pratique orale.
Yu Minhong (俞敏洪) est le fondateur de New Oriental (新东方). Son entreprise dispensait des cours privés d’anglais en Chine jusqu’en 2021. N’ayant pu effectuer d’échange aux États-Unis par manque de moyens financiers, Yu Minhong souhaitait donner la possibilité d’enseigner l’anglais aux étudiants chinois dans le même cas. Les cours d’anglais de New Oriental étaient très populaires. Toute personne qui souhaitait effectuer un échange à l’étranger ou passer un examen en anglais suivait les cours de New Oriental. Cette entreprise avait eu un tel impact sur le paysage éducationnel qu’elle avait inspiré un film : American Dreams in China (中国合伙人).
Comment ces personnes ont-elles révolutionné l’apprentissage de l’anglais ?
Li Yang et Yu Minhong ont connu un succès, car le système éducatif des années 1990 manquait de ressources dans l’enseignement de l’anglais. Il n’y avait pas de professeurs d’anglais étrangers (外教), les étudiants ne bénéficiaient que de l’enseignement de professeurs chinois avec un fort accent. Quant au contenu, le programme scolaire d’anglais ne prépare que pour l’examen du Gaokao (高考). Celui-ci implique un bachotage (填鸭教育方式) avec une mémorisation du vocabulaire (单词) et de règles grammaticales (语法规则).
L’épreuve d’anglais du Gaokao n’évalue ni la rédaction (写作) ni la compréhension orale. Bien que les cours d’anglais mettent également l’accent sur la lecture de l’anglais, afin d’améliorer l’intonation et la prononciation, les étudiants chinois ne sont pas poussés à construire leurs propres phrases. En Chine, on parle d’un apprentissage muet de l’anglais (哑巴英语). Les étudiants des années 1990 et 2000 n’éprouvaient que de réels progrès pendant et après leur échange à l’étranger.
Toutefois, les ressources pédagogiques (教育资源) sont nettement meilleures aujourd’hui. Les enfants peuvent désormais apprendre l’anglais par des professeurs étrangers (外教) sur des plateformes en ligne, comme BiliBili (哔哩哔哩) ou encore VIPkid, mettant directement en relation des professeurs issus de pays anglo-saxons avec des élèves de Chine. Avec toutes ces ressources, le niveau d’anglais des enfants d’aujourd’hui est largement supérieur à celui des enfants des années 1990 et du début 2000.
Un barrage dans l’apprentissage de l’anglais ?
Toutefois, en 2021, le gouvernement chinois (中国政府) interdit la dispense de cours particuliers aux enfants et aux étudiants afin de soulager la pression scolaire des enfants qui enchaînent les cours particuliers après l’école (给孩子减少课外的学习压力). Nous avons déjà traité le sujet sur la pression du système scolaire chinois dans cet article sur Major-Prépa. Cette mesure (措施) a surtout impacté les institutions qui enseignaient l’anglais par leur nombre, mais aussi d’autres institutions qui dispensaient d’autres matières. En effet, l’entreprise New Oriental s’est convertie(装行)dans l’e-commerce après la décision du gouvernement.
Selon le New York Times, le gouvernement demande à ce que les élèves d’écoles primaires et de collèges n’utilisent pas de livres étrangers. Un conseiller du gouvernement a également recommandé la suppression du test d’anglais lors de l’examen annuel d’entrée à l’université du pays.
Depuis cette interdiction par le gouvernement, une tendance de baisse de l’importance accordée à la langue anglaise se dessine. En effet, dans l’examen d’entrée au lycée (中考), le coefficient de l’épreuve d’anglais a diminué de 50 points, passant de 150 à 100 points. Et la difficulté de l’épreuve d’anglais du Gaokao (高考) aurait baissé, avec des notes facilement obtenues entre 120 et 130 sur 150.
Mais alors, quelles sont les conséquences ?
En minimisant l’anglais, le gouvernement semble vouloir essouffler l’engouement des Chinois pour la langue de Shakespeare. Les mesures gouvernementales créent un environnement peu favorable et peu propice à son apprentissage avec la réduction des ressources pédagogiques, de sorte qu’il est difficile pour les Chinois de nourrir leur engouement pour cette langue.
La baisse du coefficient dans des épreuves nationales aussi importantes, comme le Gaokao, peut pousser les professeurs et donc les parents à penser que l’anglais n’est plus si important. Or, l’anglais reste une langue internationale qui est cruciale pour pouvoir s’exprimer dans le monde du travail (工作世界). Finalement, le point de vue des parents (家长 / 父母的观点) sur ce sujet reste un facteur déterminant quant au niveau d’anglais de l’enfant. Depuis 2020, beaucoup de commentaires négatifs (负面评论) sont mis sous des vidéos en ligne de cours d’anglais sur Bilibili ou encore Xiao hong shu (小红书) par des enfants.
Par ailleurs, il y a également un risque de fortes inégalités scolaires entre les grandes et petites villes chinoises. Les ressources éducatives étaient déjà plus rudimentaires en zone rurale qu’en zone urbaine, avec des livres obsolètes (过时的书) et l’absence de professeurs étrangers. En outre, depuis l’interdiction des cours privés d’anglais, les professeurs sont peu nombreux sur le marché. Avec peu d’offres, mais beaucoup de demandes, le salaire du professeur particulier d’anglais a fortement augmenté, puisqu’il prend un risque à dispenser ses cours. Ce sont donc majoritairement des ménages ayant les moyens financiers de dispenser des cours à leur enfant qui peuvent se le permettre et ce sont également ces mêmes ménages qui peuvent fournir des livres d’anglais venant de l’étranger à leur enfant. Ce qui risquerait de renforcer les inégalités sociales.
Conclusion
Bien qu’une maîtrise parfaite de l’anglais n’est plus exigée, un niveau insatisfaisant se couple au renoncement de sa chance dans un pays où le marché du travail est rudement concurrentiel (竞争激烈). Cette mesure peut également être perçue comme une tentative de retrait de l’ouverture du pays au monde, du moins, celui au monde occidental. Alors que les frictions existent déjà entre la Chine et les pays occidentaux, en particulier les États-Unis, la Chine semble déterminée à repousser l’influence occidentale, attaquant davantage le soft power (软实力) étasunien au sein du pays depuis la restriction de leurs blockbusters (大片).
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