Depuis l’arrivée de Giorgia Meloni au Palazzo Chigi en octobre 2022, le droit des femmes est menacé en Italie. La Présidente du Conseil des ministres italien n’est pas favorable à l’amélioration de la condition des femmes, au contraire. Bien que Giorgia Meloni ait marqué son temps en devenant la première femme Première ministre de l’histoire de l’Italie, cette dernière n’est paradoxalement pas une défenseure du droit des femmes, et cela s’explique par son bord politique. Pour rappel, Meloni est la cheffe du parti Fratelli d’Italia, qui est souvent classé à l’extrême droite de l’échiquier politique. Elle et son parti ont une vision traditionnelle et conservatrice de la famille. Elle a notamment fait campagne sous la devise : « Dieu, famille, patrie » (Dio, patria, famiglia).
L’émancipation des femmes en Italie jusqu’à l’arrivée de Meloni
Bien que la Constitution italienne de 1948 inscrit l’égalité des sexes devant la loi, jusqu’aux années 1950, la femme italienne est généralement mère au foyer (casalingua). Elle arrête de travailler pour s’occuper de la maison, de son mari et de ses enfants après son mariage. La madre cuisine (cucinare), fait le ménage (fare le pulizie), les courses (fare la spesa), la lessive (fare il bucato) et repasse (stirare). Elle dépend alors économiquement du mari. Jusqu’en 1975, c’est le mari qui gère le patrimoine et qui prend les décisions dans la famille. Mais avec la réforme du droit de la famille (1975), elle devient l’égale du mari dans les décisions qui concernent la vie de famille.
On peut encore citer d’autres lois qui ont permis l’émancipation de la femme. Il y a notamment le droit de vote (1946), l’interdiction de licenciement à cause de la maternité (1963), le divorce (1970), le droit à l’avortement (legge 194 en 1978), la reconnaissance du viol comme un crime contre la personne et non plus simplement contre la « morale publique » (1996). Pour la parité au travail, on peut citer les « quote Rosa » qui ont pour objectif d’avoir une représentation minimale des femmes au niveau politique. Les partis doivent présenter au moins 40 % (depuis 2019) de candidates femmes pour les élections sur les listes électorales. Pourtant, les femmes représentent moins de 33 % de la Chambre des députés et moins de 40 % du Sénat.
Les violences faites aux femmes
En novembre 2023, une étudiante de 22 ans, Giulia Cecchettin, est assassinée par son petit copain dans le Frioul-Vénétie Julienne. Elle fait partie des 120 femmes tuées en 2023 en Italie. C’est d’ailleurs le sujet lv2 Elvi de 2024. Selon le ministre de l’Intérieur italien, en 2023, 97 femmes italiennes ont été assassinées par un proche, dont 63 par leur partenaire ou ancien partenaire. Attention, le terme féminicide désigne le fait qu’une femme est assassinée parce qu’elle est justement une femme.
À la suite du meurtre de Giulia Cecchettin, de larges manifestations ont eu lieu dans de grandes villes italiennes pour exiger des réponses du gouvernement et un large débat a été lancé au niveau national. Certains journalistes évoquent une société patriarcale et demandent un examen de conscience des hommes. La sœur de Giulia, Elena Cecchettin, a quant à elle affirmé que tous les hommes étaient capables de commettre un tel crime, car ils font partie d’une société patriarcale qui entretient la culture du viol. Tu peux d’ailleurs lire cet article de presse italienne sur le sujet.
Le gouvernement de Meloni a réagi aux manifestations pour la protection des femmes
Quelques jours après, une loi a été votée au Parlement pour renforcer le « codice rosso » de 2019 qui rendait plus rapide le traitement des plaintes (sous trois jours au plus tard) et plus sévères les peines pour les crimes de violence de genre. En novembre 2023, donc, la loi a été modifiée pour inclure des cours « d’éducation aux relations » au lycée, pour prévenir les violences, et un durcissement des mesures contre les agresseurs, avec l’utilisation du bracelet électronique pour éviter le rapprochement avec la victime.
Cependant, ces réactions du gouvernement sont critiquées par l’opposition qui dénonce des effets d’annonces et des mesures non concrètes. Les cours de sensibilisation aux relations sont par exemple facultatifs. La Lega, de Matteo Salvini, membre de la coalition au pouvoir, se refuse d’introduire des cours d’éducation sexuelle obligatoire.
Les positions de Meloni sur les personnes LGBT+
Giorgia Meloni est fermement opposée à ce qui va à l’encontre de la « famille traditionnelle ». Elle s’oppose donc en particulier aux couples de femmes et surtout à leur accès à avoir un enfant. Même si l’union civile est autorisée pour les personnes de même sexe depuis 2016, la gestation pour autrui (GPA) est interdite depuis 2004 pour les femmes célibataires et en couple avec une autre femme. En octobre, le Parlement a voté une loi qui criminalise la gestation pour autrui à l’étranger. Elle est maintenant passible d’amendes et de peines de prison.
La procréation médicalement assistée (PMA) est quant à elle légale en Italie, mais seulement pour les couples hétérosexuels. Les femmes se rendent donc à l’étranger pour pouvoir avoir un enfant. Mais, en janvier 2023, le ministre de l’Intérieur a interdit les municipalités de transcrire les actes de naissance d’enfants issus de cette pratique. Certaines mairies continuent de le faire, mais la mère adoptive de l’enfant n’a pas les mêmes droits que la mère biologique. Si la mère biologique décède, l’enfant serait proposé à l’adoption et ne serait pas confié à la mère biologique.
Mais, en mars 2024, le tribunal de Padoue (Vénétie) s’est positionné en faveur de la transcription d’enfants issus de PMA en incluant les deux parents (adoptif et biologique) sur les actes de naissance. C’est une victoire pour les couples de femmes.
Le droit à l’IVG
Giorgia Meloni et son parti Fratelli d’Italia s’opposent à l’IVG. Cela s’inscrit notamment dans une logique de politique de natalité, mais surtout en lien avec la religion chrétienne.
Peu après son élection, elle a déclaré qu’elle ne toucherait pas à la loi 194 sur l’avortement, mais elle aimerait orienter les femmes vers d’autres options. Elle tient donc une position « pro-vie », sans tout de même modifier le droit à l’avortement. Elle a notamment promulgué un amendement en avril autorisant les militants anti-avortement à entrer dans les cliniques où les femmes se rendent avant de pratiquer une IVG (l’équivalent du planning familial français) pour les influencer sur leur choix. La présidente du Conseil a aussi tenu à ce que la déclaration finale du sommet du G7, qui s’est déroulé dans les Pouilles, ne mentionne pas la volonté de « préserver et de garantir le droit à l’avortement ».
L’accès à l’IVG en Italie est largement restreint
Il est autorisé jusqu’à 12 semaines, mais il y a un manque de moyens criant. L’Italie manque de consultori (les personnes présentes dans les centres pour conseiller et procurer des certificats, nécessaires à l’avortement) et de médecins voulant pratiquer l’avortement. Au nom de l’objection de conscience (le refus de pratiquer par opinion ou par religion), on compte près de 65 % des médecins qui refusent de pratiquer l’interruption volontaire de grossesse.
Pourtant, 70 % des Italiens se prononçaient en faveur de l’IVG. C’est un sujet tout autant controversé qu’aux États-Unis. Mais on observe une baisse du nombre d’IVG annuelles, en conséquence de ces politiques anti-avortements. On est passé à environ 63 000 avortements en 2022, contre près de 100 000 dans les années 2000.
La natalité
Face au déclin démographique et à l’émigration massive que subit l’Italie, il capo dello stato veut relancer la natalité. Avec le troisième plus faible taux de fécondité (1,24 enfant par femme), l’Italie fait face à une baisse notable de la natalité, à laquelle la Première ministre veut répondre. C’est pour elle notamment une alternative à l’immigration. Cela passe par des mesures qui portent atteinte à l’IVG, mais aussi par des mesures incitatives. On peut citer, par exemple, le « bonus mamme » qui prévoit une baisse d’impôt pour les femmes salariées à partir du deuxième enfant.
Pourtant, le plus grand problème de la natalité en Italie reste l’économie. Les crèches sont par exemple extrêmement coûteuses et freinent les femmes à avoir des enfants, car elles n’en ont pas les moyens. L’accès à l’emploi est aussi un facteur déterminant pour les femmes, dans un pays où le taux de chômage pour les jeunes est assez élevé.
Conclusion
Giorgia Meloni ne s’affiche pas en soutien de la cause féministe. Au contraire, elle s’attaque aux nombreux droits acquis par les femmes depuis ces 50 dernières années. Dans une tradition chrétienne et avec une vision conservatrice, elle s’attaque aux droits des femmes LGBT+ et au droit à l’avortement. Sans remettre en cause la loi 194, elle tente de convaincre les femmes de ne pas avorter. Cependant, elle affiche son soutien contre les violences sexistes et sexuelles, notamment après la mort de Giulia Cecchettin, en novembre 2023.
Vocabulaire
- I diritti delle donne = les droits des femmes
- il matrimonio = le mariage
- il marito = le mari
- L’aborto = l’avortement
- il capofamiglia = le chef de famille
- Il diritto di vot = le droit de vote
- Camera dei deputati = la Chambre des députés
- Il divorzio = le divorce
- Stuprare, lo struprio = violer, le viol
- molestie sessuale = harcèlement sexuel
- braccialetto elettronico = bracelet électronique
- l’interruzione volontaria di gravidanza = l’interruption volontaire de grossesse
- l’asilo nido = la crèche
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