Les superstitions chinoises (迷信说法) occupent une place importante dans la vie quotidienne. Profondément enracinées dans l’histoire et la philosophie du pays, elles influencent encore de nombreux aspects de la société.
Les superstitions constituent une partie de la culture chinoise (成为了中国文化的一部分)
Superstitions liées à la prononciation
Le lien entre superstitions et homonymes (谐音) est très étroit, car ces derniers donnent une seconde lecture de certains mots.
La peur du chiffre 4
L’aversion qu’éprouvent les Chinois pour le chiffre 4 a une origine purement phonétique. Le chiffre a une prononciation proche du mot mort (死). C’est pourquoi, très souvent, dans les hôtels et surtout dans les hôpitaux, il n’y a aucun ascenseur avec un étage numéro 4. L’ascenseur passe du 3e au 5e étage.
La fortune du chiffre 8
À l’inverse, le chiffre 8 (八) se prononce comme le premier caractère de « faire fortune » (发财). En Chine, ce chiffre coûte cher. Lorsqu’une plaque d’immatriculation pour voiture ou une carte SIM contient beaucoup de chiffres 8, le prix augmente.
Les poires, un mauvais cadeau
Lors d’une visite, beaucoup apportent des fruits, mais tous ne sont pas les bienvenus ! Les poires (梨) en sont un parfait exemple. La prononciation de ce fruit est très similaire à celui du mot séparer (离开). C’est pourquoi il ne faut pas offrir des poires à vos hôtes en tant que convives !
Superstitions dans la vie de tous les jours
Comme pour les cadeaux, il y a de nombreux tabous à table (忌讳). Par exemple, planter ses baguettes dans le bol ressemble au geste de brûler l’encens (上香), ce qu’on évitera de faire. C’est uniquement dans le bol de riz destiné aux défunts qu’il faut planter des baguettes ou des bâtons d’encens.
Les Chinois croient également qu’il ne faut pas retourner le poisson dans l’assiette (翻鱼), car cela symbolise le chavirage d’un bateau (翻船). Aujourd’hui, retourner le poisson symbolise également le renversement d’une voiture (翻车).
Superstitions dans les croyances
L’année du zodiaque (本命年), une année malchanceuse
En Chine, il n’est pas anodin de croire que l’année de son signe du zodiaque sera une année malchanceuse (本命年就很倒霉). Durant cette année, on rencontrerait des événements bizarres et malheureux. C’est pourquoi beaucoup portent la couleur rouge (tee-shirt, bracelet…) pour contrer le mauvais sort. Je t’invite à regarder ce court métrage « 有虎气 » (2022) qui traite du sujet.
Les rites funéraires
La coutume de brûler de l’argent spirituel (烧纸钱) lorsqu’on se recueille sur la tombe des défunts remonte à la Chine impériale. Elle s’explique par la croyance que les défunts continuent à exister dans un autre monde, le royaume des morts (冥府), où ils ont besoin des mêmes choses que celles utilisées dans le monde des vivants. Cette tradition est particulièrement présente lors des fêtes commémorant les morts, comme 清明 ou 中元节.
Certaines superstitions s’apparentant à des coutumes se font de plus en plus rares
Évolution vers une société axée sur la science
Avec les avancées scientifiques et une éducation basée sur les sciences, certaines superstitions ont été abandonnées. Par exemple, les Chinois de l’Antiquité considéraient les éclipses solaires comme des signes de malheur. Ils pensaient qu’un dragon dévorait le soleil ou la lune et frappaient alors sur des casseroles pour faire fuir l’animal mythique. Aujourd’hui, on explique les éclipses comme des phénomènes astronomiques naturels et on les célèbre avec des rassemblements pour les observer, ce qui dissipe toute crainte à leur égard.
Occidentalisation de la société chinoise
La couleur rouge a toujours été la couleur porte-bonheur en Chine. C’est pour cette raison qu’elle est toujours portée lors de grandes occasions, lors des mariages et du premier jour de l’an afin de porter chance. Bien que les Chinois continuent de porter la couleur rouge pour contrer le mauvais sort de leur année native, elle est de moins en moins portée lors de certaines occasions, comme le mariage. Aujourd’hui, de plus en plus de mariages sont célébrés de façon « occidentale ». La mariée préférera porter une robe blanche plutôt qu’une robe rouge.
Modernisation de la société chinoise
Certaines superstitions imprègnent également des pratiques culturelles. Toutefois, la modernisation de la société amène à un changement des mœurs et des coutumes. Par exemple, avec la participation féminine au marché du travail, de plus en plus de femmes abandonnent la pratique culturelle du 坐月子 (littéralement « s’asseoir pendant un mois »). Celle-ci implique un repos strict d’environ un mois pour permettre à la mère de récupérer physiquement et mentalement après l’accouchement. Durant cette période, il lui est déconseillé de se laver les cheveux ou encore de sortir, de peur qu’elle s’expose au froid. Dans ce cas particulier, nous pouvons noter que les pratiques sont intimement liées à la médecine traditionnelle chinoise (中医), qui est devenue moins utilisée à partir de la fin du XIXe siècle au profit de la médecine occidentale (西医) en Chine.
Il en est de même pour la superstition de ne pas se couper les cheveux pendant le mois suivant le Nouvel An lunaire. La tradition dit que se couper les cheveux coupe la chance, mais cette pratique est de moins en moins respectée à cause des obligations professionnelles, sauf pendant le jour de l’An, où les gens évitent encore de le faire.
Conclusion
Finalement, la disparition ou le déclin de certaines superstitions témoigne de l’évolution des mentalités, de l’influence de l’éducation et de l’enseignement scientifique qui les discréditent, en les considérant comme irrationnelles. D’autres s’érodent avec la migration massive de la population des campagnes rurales vers les villes urbaines, où l’influence des valeurs occidentales est forte et où les obligations professionnelles et sociales n’aident pas à les respecter.
En ce qui concerne les superstitions qui perdurent, il semblerait que les Chinois pensent qu’il vaut mieux croire qu’elles existent plutôt qu’elles n’existent pas (宁可信其有,不可信其无). Mais elles témoignent également de la richesse culturelle de la société chinoise !