tapis

Dans le cadre du programme de lettres de l’ENS 2024 traitant de la représentation littéraire, nous te proposons une présentation de la nouvelle Le Motif dans le tapis, écrite par Henry James et publiée en 1896.

L’auteur Henry James

Henry James est un écrivain américain, né le 15 avril 1843 à New York et décédé le 28 février 1916 à Londres. Il a passé une grande partie de sa vie en Europe, notamment en Angleterre. Il y a acquis la nationalité britannique en 1915, un an avant sa mort.

En raison de sa vie en Europe et de son immersion dans les sociétés américaine et européenne, il a exploré les différences culturelles et les conflits pouvant découler de la rencontre de personnes de différentes origines.

Il est connu pour son exploration approfondie des relations humaines et pour son travail de mise en valeur des subtilités des interactions sociales, des jeux de pouvoir et des dynamiques psychologiques complexes entre les personnages. Ses œuvres abordent fréquemment les questions morales et les normes sociales de son époque.

La nouvelle

Le Motif dans le tapis est une nouvelle publiée pour la première fois en 1896. L’histoire suit un narrateur anonyme qui rencontre un écrivain renommé, Hugh Vereker. Lors d’une discussion sur l’art et la littérature, Vereker mentionne qu’il a intégré un motif particulier, une clé de compréhension, dans toutes ses œuvres. Ce motif est si subtil et si bien caché que personne n’a encore réussi à le découvrir.

Le narrateur, intrigué, décide de découvrir ce motif dans le dernier roman de Vereker. Il entreprend une quête obsessionnelle pour déchiffrer le secret caché dans l’œuvre de l’écrivain. Cependant, malgré ses efforts intensifs pour analyser chaque mot et chaque phrase, le narrateur ne parvient pas à déceler le motif.

La nouvelle explore le thème de la recherche obsessionnelle de la signification ultime dans l’art, ainsi que les limites de la compréhension littéraire. Elle soulève des questions sur la subjectivité de l’interprétation artistique et la possibilité d’une signification universelle.

La conclusion de la nouvelle laisse le lecteur dans l’incertitude quant à l’existence réelle du motif ou à la possibilité que ce soit une ruse de la part de l’écrivain. Le Motif dans le tapis met en lumière la complexité de l’art et la difficulté de déchiffrer les intentions profondes de l’artiste.

Un petit « truc » caché et introuvable

Cette chose est tour à tour appelée « ce petit truc », ce « trésor caché », « ce canevas exquis », cette « idée », ce « secret », cette « idole à dévoiler », « la plus belle et solide intention de toutes », que « personne ne voit », « chose particulière pour laquelle j’ai essentiellement écrit des livres ». Et enfin, cette image, le « motif dans le tapis », donnera le titre à la nouvelle. Il s’agit donc de discerner et de décrypter le motif à l’intérieur du tapis.

« Est-ce un élément dans le style, ou quelque chose dans la pensée ? Un élément de forme ou un élément de sentiment ? », se demande le narrateur et personnage principal, critique littéraire de son état. « En tout cas, [précise l’auteur qu’il tente de convaincre de dévoiler son secret] ça ne peut pas être décrit en jargon de journaliste. » Le narrateur, à force d’interrogations sans réponse, finira par douter de l’existence de ce mystérieux adjuvant dont le rôle est de donner sens et cohérence à l’œuvre, et en justifier l’existence même.

Cette situation entretient un flou sur lequel Vereker, l’auteur décortiqué, prend soin de rassurer le narrateur car, selon lui, tout cela serait « très clair si on avait déjà soupçonné » cette chose « palpable comme du marbre de cheminée ».

Une fin mystérieuse

À la fin de la nouvelle, le narrateur exprime sa frustration et sa déception face à l’échec de sa quête pour découvrir le motif caché dans l’œuvre de l’auteur. Malgré ses efforts soutenus et sa minutie obsessionnelle, le narrateur avoue qu’il n’a pas réussi à trouver le motif dans le tapis littéraire de Vereker. Cette admission souligne l’incapacité du narrateur à percer le mystère de l’art, à dévoiler le sens ultime que l’écrivain aurait dissimulé.

La phrase finale du paragraphe, où le narrateur déclare qu’il « ne saurait jamais » quel était le motif, laisse la question en suspens. Cette incertitude souligne la subjectivité inhérente à l’interprétation artistique. Le lecteur est invité à remettre en question la possibilité même de découvrir un sens universel dans l’art, suggérant l’idée que l’interprétation de chaque individu peut différer et que certaines œuvres d’art peuvent résister à une compréhension totale.

Malheureusement, une suite de rebondissements fera longtemps miroiter la révélation avant de refermer définitivement la porte au nez du narrateur. Cette absence de substance supplémentaire révélée le fera ainsi douter de la valeur réelle de l’œuvre en question :

« Lorsque je lui rétorquai que la page imprimée avait été inventée justement pour rendre les mots visibles, il m’accusa d’être fielleux […] »

Ainsi, ce sens secret tant attendu et finalement introuvable pourrait tout aussi bien être une farce, une supercherie.

Comme le note le philosophe Clément Rosset, dans Le Réel, Traité de l’idiotie, qui revient sur cette nouvelle d’Henry James : « […] à la fin du récit, nous n’en savons pas plus qu’au début : entre A et B, finalement, rien ne s’est passé. Nous ne sommes même plus sûrs qu’il y avait quelque chose à découvrir. »

Sens et signification dans un texte littéraire

Dans le chapitre « L’auteur » dans Le Démon de la théorie, Antoine Compagnon explique que le « sens n’est pas signification ». L’erreur de la théorie littéraire aurait été de confondre le sens d’un texte et sa signification. Le sens est originel et singulier, tandis que la signification résulte du lien que nous établissons entre le sens et notre expérience. Elle est plurielle, ouverte et variable.

Si une œuvre est inépuisable, si chaque époque la comprend à sa manière, cela ne veut donc pas dire qu’elle n’a pas de sens originel. Ce qui est inépuisable, c’est sa signification.

Ainsi, cette distinction entre sens et signification permet de rendre en compte des différentes lectures d’un texte sans éliminer l’intention de l’auteur comme critère de l’interprétation.

C’est la fin de cet article qui, nous l’espérons, t’aura permis de cerner les grands enjeux de l’ouvrage d’Henry James. Pour lire davantage d’articles sur les prépas littéraires, qu’ils soient académiques, méthodologiques ou sous forme de témoignages, ça se passe ici. Tout au long de l’année, nous t’accompagnons en publiant des ressources, alors reste connecté(e).