Il existe différentes façons de démontrer que deux espaces vectoriels \(F_1\) et \(F_2\) sont supplémentaires dans \(E\). On peut notamment démontrer ce résultat par analyse-synthèse. Cette méthode a l’avantage de fournir la décomposition d’un vecteur \(x\) de \(E\) en la somme de deux vecteurs \(x_1\) et \(x_2\), respectivement dans \(F_1\) et \(F_2\). Et donc, elle donne la définition du projecteur sur \(F_1\) parallèlement à \(F_2\) et de son projecteur associé.
Je te propose d’apprendre à rédiger parfaitement ce type très particulier d’analyse-synthèse à travers un exemple célèbre. Les espaces vectoriels des matrices symétriques réelles et antisymétriques réelles sont supplémentaires dans l’espace vectoriel des matrices réelles :
Soit \(n \in \mathbb{N}^*\)
\(\displaystyle\mathcal{M}_{n}
(\mathbb{R})\)=\(\mathcal{S}_{n}(\mathbb{R})\) \(\oplus\)\(\mathcal{A}_{n}(\mathbb{R})\), avec \(\mathcal{S}_{n}(\mathbb{R})\) l’ensemble des matrices symétriques de \(\mathcal{M}_{n}(\mathbb{R})\) et \(\mathcal{A}_{n}(\mathbb{R})\) l’ensemble des matrices antisymétriques de \(\mathcal{M}_{n}(\mathbb{R})\)
Les éléments de rédaction que tu peux utiliser comme modèle pour des démonstrations similaires seront indiqués en gras.
Analyse
Comme son nom l’indique, l’analyse-synthèse est un raisonnement en deux temps. L’analyse consiste à supposer l’existence d’un élément, pour aboutir à son unicité sous réserve d’existence. Dit plus simplement, on suppose qu’un élément existe et à partir des diverses informations que l’on a, on montre que cet élément s’exprime uniquement sous une certaine forme.
Dans le cas d’une supplémentarité, ce fameux élément est un couple de vecteurs. Pour montrer que \(E\)=\(F_1\)\(\oplus\)\(F_2\), on va alors fixer un élément \(x\) de \(E\) et supposer l’existence de deux vecteurs \(x_1\) et \(x_2\) respectivement dans \(F_1\) et \(F_2\), tels que \(x\)=\(x_1\)+\(x_2\). À partir des caractéristiques de \(F_1\) et \(F_2\), on pourra alors exprimer \(x_1\) et \(x_2\) uniquement en fonction de \(x\).
Pour que cela soit plus clair, revenons à l’exemple
L’espace vectoriel des matrices symétriques et l’espace vectoriel des matrices antisymétriques sont supplémentaires dans l’espace vectoriel des matrices. Cela s’écrit comme ceci :
\(\displaystyle\mathcal{M}_{n}
(\mathbb{R})\)=\(\mathcal{S}_{n}(\mathbb{R})\) \(\oplus\)\(\mathcal{A}_{n}(\mathbb{R})\)
Fixons alors un élément quelconque de \(\mathcal{M}_{n}(\mathbb{R})\) et supposons l’existence du fameux couple.
Soit \(M\) \(\in\) \(\mathcal{M}_{n}(\mathbb{R})\). On suppose qu’il existe \(M_1\) \(\in\) \(\mathcal{S}_{n}(\mathbb{R})\) et \(M_2\) \(\in\) \(\mathcal{A}_{n}(\mathbb{R})\), tels que \(M\)=\(M_1\)+\(M_2\).
À partir de là, c’est le passage le plus délicat qui nous attend, puisqu’il demande un peu d’intuition pour savoir comment exprimer \(M_1\) et \(M_2\) uniquement en fonction de \(M\). Il faut alors utiliser toutes les informations à notre disposition. Nous en avons trois :
- \(M\)=\(M_1\)+\(M_2\) ;
- \( {}^tM_1\)=\(M_1\), car \(M_1\) est symétrique ;
- \( {}^tM_2\)=- \(M_2\), car \(M_2\) est antisymétrique.
Après un petit moment de réflexion, tu pourrais penser à transposer dans la première égalité et tu aurais raison !
On a \(M\)=\(M_1\)+\(M_2\), donc en transposant dans cette égalité et en utilisant les deux derniers points, on obtient \( {}^tM\)=\( {}^tM_1\)+\( {}^tM_2\)=\(M_1\) -\(M_2\).
On a donc deux égalités, \(
\begin{cases}
M=M_1+M_2 \\
{}^tM=M_1-M_2
\end{cases}
\), ce qui constitue un système à deux inconnues et deux équations.
En sommant ces deux égalités membre à membre, on a \(2M_1\)=\(M\)+\( {}^tM\), soit \(M_1\)=\(\frac {1}{2}(M\)+\( {}^tM\)).
En soustrayant ces deux égalités membre à membre, on a \(2M_2\)=\(M\)−\( {}^tM\), soit \(M_2\)=\(\frac {1}{2}(M\)−\( {}^tM\)).
On a réussi à exprimer \(M_1\) et \(M_2\) en fonction de \(M\). Cela garantit l’unicité de la décomposition, sous réserve d’existence. On en a donc fini avec l’analyse.
Synthèse
Maintenant que l’on a fini l’analyse, le plus dur est derrière nous. Il nous suffit désormais de vérifier que les éléments que l’on a trouvés vérifient bien les propriétés demandées. Dans notre cas, il nous faut vérifier que :
- \(M_1\)+\(M_2\)=\(M\) ;
- \(M_1\) est symétrique ;
- \(M_2\) est antisymétrique.
Soit \(M\) \(\in\) \(\mathcal{M}_{n}(\mathbb{R})\). Soient \(M_1\)=\(\frac {1}{2}(M\)+\( {}^tM\)) et \(M_2\)=\(\frac {1}{2}(M\)−\( {}^tM\)).
On a bien \(M_1\)+\(M_2\)=\(M\).
On a \( {}^tM_1\)=\(\frac {1}{2}({}^tM\)+\( M\))= \(M_1\), donc \(M_1\) \(\in\) \(\mathcal{S}_{n}(\mathbb{R})\).
\( {}^tM_2\)=\(\frac {1}{2}({}^tM\)−\( M\))= -\(M_2\), donc \(M_2\) \(\in\) \(\mathcal{A}_{n}(\mathbb{R})\).
Cela garantit l’existence de la décomposition. On a fini la démonstration.
Conclusion
Ainsi, on vient de montrer par analyse-synthèse que :
\(\forall M\) \(\in\) \(\mathcal{M}_{n}
(\mathbb{R})\), \(\exists!\) (\(M_1\), \(M_2\)) \(\in\) \(\mathcal{S}_{n}
(\mathbb{R})\) \(\times\) \(\mathcal{A}_{n}
(\mathbb{R})\) | \(M_1\)+\(M_2\)=\(M\).
Soit par définition :
\(\mathcal{M}_{n}
(\mathbb{R})\)=\(\mathcal{S}_{n}(\mathbb{R})\) \(\oplus\)\(\mathcal{A}_{n}(\mathbb{R})\).
Remarque
La valeur de \(M_1\) trouvée désigne alors le projeté de \(M\) sur \(\mathcal{S}_{n}
(\mathbb{R})\) parallèlement à \(\mathcal{A}_{n}
(\mathbb{R})\).
De même, la valeur de \(M_2\) trouvée désigne le projeté de \(M\) sur \(\mathcal{A}_{n}
(\mathbb{R})\) parallèlement à \(\mathcal{S}_{n}
(\mathbb{R})\).
Si tu veux aller plus loin, ça se passe par ici !