Si on la retrouve fréquemment dans les annales, la matrice compagnon ne fait pas partie intégrante du programme. En faisant le lien entre polynôme et algèbre linéaire, elle permet de balayer un certain nombre de points de cours. Je te la présente dans cet article.
La notion de matrice compagnon expliquée en français
Dans les faits, une matrice compagnon est une matrice pour laquelle la dernière colonne est non forcément nulle, la sous-diagonale ne possède que des 1 et tous les autres coefficients sont nuls.
Chaque matrice compagnon possède un polynôme associé, pour lequel ses coefficients seront les coefficients de la dernière colonne de la matrice.
Un exemple concret de matrice compagnon
La matrice \(\begin{pmatrix} 0 & 0 & 0 & 4 \\ 1 & 0 & 0 & -2 \\ 0 & 1 & 0 & 3 \\ 0 & 0 & 1 & 2 \end{pmatrix}\) est la matrice compagnon associée au polynôme \(Q=X^4-2X^3-3X^2+2X-4\).
Définition mathématique d’une matrice compagnon
Soit n \(\in \mathbb{N}\). Soit \((a_{0}, …, a_{n-1}) \in \mathbb{R}^{n}\). On appelle matrice compagnon une matrice \(C\) de la forme \(\begin{pmatrix} 0 & \ldots
& 0 & a_{0} \\ 1 & \ldots &
0 & a_{1} \\ \vdots & \ddots & & \vdots \\ 0 & \ldots & 1 & a_{n-1} \end{pmatrix}\) associée au polynôme \(X^n -a_{n-1}X^{n-1}-\dots-a_0 \).
Donc, si on souhaite faire coller l’exemple à la définition pure, pour \(n=4\) :
comme la matrice compagnon de \(\mathcal{M}_4(\mathbb{R})\) est définie par
\(
\begin{pmatrix}
0 & 0 & 0 & a_0 \\
1 & 0 & 0 & a_1 \\
0 & 1 & 0 & a_2 \\
0 & 0 & 1 & a_3
\end{pmatrix}
\)
et comme la matrice de l’exemple est \(\begin{pmatrix} 0 & 0 & 0 & 4 \\ 1 & 0 & 0 & -2 \\ 0 & 1 & 0 & 3 \\ 0 & 0 & 1 & 2 \end{pmatrix}\)
On procède par identification et on obtient donc :
\(a_0=4\),
\(a_1=-2\),
\(a_2=3\),
\(a_3=2\),
Et donc, comme le polynôme associé à la matrice compagnon est défini par : \(X^4 -a_{3}X^{3}-a_2X^2-a_1X^1-a_0 \), on en déduit donc le polynôme associé à la matrice compagnon de l’exemple : \(Q=X^4-2X^3-3X^2+2X-4\).
L’intérêt de la matrice compagnon
Une fois les racines du polynôme associé trouvées, il est très simple de dire si la matrice compagnon est diagonalisable ou non. En effet, la matrice associée au polynôme \(P\) est diagonalisable si et seulement si \(P\) admet \(n\) racines distinctes.
Quelques propriétés sur la matrice compagnon
Démonstration du lien entre racines du polynôme et valeurs propres de la matrice compagnon
Soit \(n \in \mathbb{N}\). Soit \((a_{0}, …, a_{n-1}) \in \mathbb{R}^{n}\). On a \(P=X^n -a_{(n-1)}X^{(n-1)}- \dots -a_0 \) et C = \(\begin{pmatrix} 0 & \ldots
& 0 & a_{0} \\ 1 & \ldots &
0 & a_{1} \\ \vdots & \ddots & & \vdots \\ 0 & \ldots & 1 & a_{n-1} \end{pmatrix}\).
Montrons d’abord que \(P\) est un polynôme annulateur de \(C\)
On note \(\mathcal{B}=(e_1, …, e_n)\) la base canonique de \(\mathbb{R}_n[X]\). Soit f l’endomorphisme canoniquement associé à C. \(\forall i \in [\![1,n-1]\!]\), \(f(e_i)=e_{i+1}\) et on a ainsi par itération que : \(\forall j \in [\![1,n-1]\!]\), \(f^j(e_1)=e_{j+1}\).
On a alors \(P(f)(e_1)=0\) et
\(\begin{align}\forall i \in [\![1,n-1]\!], P(f)(e_i)&=P(f)(f^{i-1}(e_1))\\&= f^{i-1} \circ P(f)(e_1) \\&= 0\end{align}\)
\(P(f)\) s’annule donc sur la base \(\mathcal{B}\), ce qui signifie que \(P(f)\) est l’endomorphisme nul. On déduit de cela que \(P\) annule \(C\).
Le spectre de C est donc inclus dans l’ensemble des racines de \(P\).
Montrons maintenant par l’absurde que toutes les racines de P sont valeurs propres de C
On suppose pour cela que \(C\) admette un polynôme annulateur non nul dans \(\mathbb{R}_{n-1}[X]\) que l’on note \(Q\). Il existe donc \((\alpha_0, \ldots, \alpha_{n-1}) \in \mathbb{R}^{n-1}\) tels que \(Q=\displaystyle \sum_{k=0}^{n-1}\alpha_kX^k\).
On a en particulier \(\begin{align}Q(f)(e_1)&=\displaystyle \sum_{k=0}^{n-1}\alpha_k f^k(e_1)\\ &= \displaystyle \sum_{k=0}^{n-1}\alpha_k e_{k+1} \\ &= \displaystyle \sum_{k=1}^{n}\alpha_{k-1} e_k \end{align}\)
Comme \(Q(f)(e_1) = 0\), alors on a \(\alpha_0=\alpha_1=\ldots=\alpha_{n-1}=0\) par liberté de \((e_1, …, e_n)\). Il vient alors que \(Q\) est le polynôme nul, ce qui est absurde selon les hypothèses établies.
On conclut donc que \(P\) est bien le plus petit polynôme annulateur de \(C\), ce qui nous permet d’affirmer que toutes les racines de \(P\) sont valeurs propres de \(C\).
Montrons enfin que pour chaque valeur propre, la dimension du sous-espace propre associé est égale à 1
\(\forall x \in \mathbb{C}, rg(C-xI_n)\ge n-1\)
Or, en choisissant x vecteur propre de \(C\) associé à la valeur propre \(\lambda\), on a \(dimE_\lambda(C) \ge 1\), d’où \(rg(C-xI_n)\le n-1\). On a donc nécessairement \(rg(C-xI_n)= n-1\) et \(dimE_\lambda (C) =1.\)
On a finalement démontré que \(C\) est diagonalisable si et seulement si \(P\) admet \(n\) racines distinctes.
Les sujets de concours avec la notion de matrice compagnon
Cette notion classique s’est retrouvée dans plusieurs annales de concours.
Tu pourras trouver les corrections de ces propriétés en cherchant dans ces ressources :