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Les questions demandant de démontrer une ou plusieurs inégalités sont plus que courantes aux concours, aussi bien en analyse qu’en algèbre et en probabilités. De fait, il est essentiel de connaître les différentes méthodes pour répondre à ce genre de questions. Cet article vise donc à te présenter, de la manière la plus exhaustive possible, les différentes méthodes qui s’offrent à toi pour démontrer une inégalité selon le contexte. En plus de ça, tu y trouveras certains exemples types.

La formule de Taylor avec reste intégrale

Soit \( n \in \mathbb{N} \).

Si une fonction \(f\) est de classe \(C^{n+1}\) sur un intervalle \(I\), et si \(a\) et \(b\) sont dans \(I\) ( \( a \le b\ ou\ b \le a\) ), alors :

\[f(b)=\displaystyle
\sum_{k=0}^{n}
\frac{(b-a)^k}{k!}
f^{(k)}(a)+
\displaystyle
\int_{a}^{b}
\frac{(b-a)^n}{n!}
f^{(n+1)}(t) \,
\mathrm{d}t\]

Son utilisation pour démontrer des inégalités reste assez marginale puisqu’elle est le plus souvent associée à la démonstration d’égalités. Toutefois, elle peut parfois servir en exercices pour ce qui nous intéresse. En voici un exemple :

· Démontrer que : \( \forall x \in [0,\frac{\pi}{2}], 1-\frac{x^2}{2} \le \cos(x) \)

Soit \( x \in [0,\frac{\pi}{2}] \).

La fonction \( \cos \) est de classe \(C^3\) sur \( \mathbb{R} \). Donc, d’après la formule de Taylor avec reste intégrale à l’ordre 2 en 0, on a :

\( \begin{align}\cos(x)&= \cos(0)+\cos'(0)x+\cos^{(2)}(0)\frac{x^2}{2}+\int_{0}^{x}\frac{(x-t)^2}{2}\cos^{(3)}(t) \, \mathrm{d}t \\&=1-\frac{x^2}{2}+\int_{0}^{x}\frac{(x-t)^2}{2}\sin(t) \, \mathrm{d}t \end{align} \)

Or : \( \forall t \in [0,x], \frac{(x-t)^2}{2}\sin(t) \ge 0 \)

Donc, par positivité de l’intégration, les bornes dans l’ordre croissant, on en déduit : \( \displaystyle\int_{0}^{x}\frac{(x-t)^2}{2}\sin(t) \, \mathrm{d}t \ge 0 \)

D’où l’inégalité ainsi obtenue : \( 1-\frac{x^2}{2} \le \cos(x) \)

Pense en particulier à utiliser cette formule lorsque d’un côté ou de l’autre d’une inégalité tu reconnais ce qui s’apparente aux premiers termes d’un développement limité.

L’inégalité de Taylor-Lagrange

Soit \( n \in \mathbb{N} \).

Si une fonction \(f\) est de classe \(C^{n+1}\) sur un intervalle \(I\), si \(a\) et \(b\) sont dans \(I\) ( \( a \le b\ ou\ b \le a\) ), si de plus pour tout réel \(x\) de \(I\), on a |\( f^{(n+1)}(x) \le M \), alors :

\( \left|f(b)-
\displaystyle
\sum_{k=0}^{n}
\frac{(b-a)^k}{k!}
f^{(k)}(a) \right|
\le M\frac{|
b-a|^{n+1}}
{(n+1)!}\)

Cette formule, couramment utilisée en analyse pour démontrer une inégalité, est essentielle. Voici un exemple d’ailleurs assez courant :

· Démontrer que : \( \forall a \in \mathbb{R}, |e^{a}-1-a| \le \frac{a^2}{2}e^{a} \)

Soit \( a \in \mathbb{R}\). La fonction exponentielle est de classe \(C^{2}\) sur \(\mathbb{R}\), donc d’après l’inégalité de Taylor-Lagrange à l’ordre 1 sur le segment \( S_a=[0,a] \cup [a,0] \), on a :

\( |e^{a}-\displaystyle
\sum_{k=0}^{1}
\frac{(a-0)^k}{k!}
e^{(k)}(a)| \le \sup_{S_a}|
e^{(2)}| \frac{|
a-0|^{2}}
{2!} \), d’où :

\( \displaystyle |e^{a}-1-a| \le \sup_{S_a}|
e| \frac{|
a-0|^{2}}
{2} \)

De plus:

\(\displaystyle \sup_{S_a}|e| = \begin{cases}
e^{a} &\text{si} \; a \ge 0\\
1 &\text{sinon}
\end{cases}
\)

Donc, dans tous les cas :

\(\displaystyle \sup_{S_a}|e| \le e^{|a|} \)

On en conclut :

\( \forall a \in \mathbb{R}, |e^{a}-1-a| \le \frac{a^{2}}{2}e^{a} \)

Cette formule est ainsi souvent à utiliser lorsque tu remarques que l’un des membres de l’inégalité ressemble à un développement limité (la plupart du temps en 0 comme dans l’exemple ci-dessus) et est encadré par des valeurs absolues. Pour \( n=0 \), tu retrouves l’inégalité des accroissements finis, que nous allons à présent voir.

L’inégalité des accroissements finis (IAF)

Il existe pour ce théorème deux formules.

  • Si \(f\) est dérivable sur un intervalle \(I\) et s’il existe deux réels \(m\) et \(M\) tels que, pour tout réel \(x\) de \(I\), on a \( m \le f'(x) \le M \), alors :

\[ \forall (a,b) \in I^{2}, a \le b, m(b-a) \le f(b)-f(a) \le M(b-a) \]

  • Si f est dérivable sur un intervalle \(I\) et s’il existe un réel \(k\) tel que pour tout réel \(x\) de \(I\), on a \(|f'(x)| \le k \) :

\[ \forall (a,b) \in I^{2}, |f(b)-f(a)| \le k|b-a| \]

Cette formule de première année est un classique des exercices d’analyse. Nous allons ici prendre un exemple pour la première formule, car la seconde correspond à l’inégalité de Taylor-Lagrange à l’ordre 0.

· Démontrer que : \( \forall y \in [0,1], y \le e^{y}-1 \le ey \)

La dérivée de la fonction exponentielle est elle-même. De plus, elle est croissante sur [0,1], minorée par 1 et majorée par \(e\). De fait, en posant \( f=e \), on a :

\( \forall x \in [0,1], 1 \le f'(x) \le e \)

D’où, en prenant \(a=0\) et \(b=y\), pour y un réel quelconque de \([0,1]\), on a, en appliquant la formule de l’inégalité des accroissements finis :

\( y \le e^{y}-1 \le ey \)

Ceci étant vrai pour tout \(y\) de \([0,1]\), on obtient le résultat demandé.

Pense en particulier à cette formule lorsque tu as à démontrer une double inégalité.

Les inégalités de convexité

On dit qu’une fonction \(f\) est convexe (resp. concave) sur un intervalle \(I\) lorsque sa courbe représentative passe au-dessus (resp. en dessous) de toutes ses tangentes sur cet intervalle. En clair, cela se traduit par :

  • \(f\) est convexe sur I si et seulement si \( \forall (x,a) \in I^{2}, f(x) \ge f(a)+(x-a)f'(a)\)
  • \(f\) est concave sur I si et seulement si \( \forall (x,a) \in I^{2}, f(x) \le f(a)+(x-a)f'(a)\)

Dans la majorité des cas, tu auras à utiliser ce genre d’inégalité pour la fonction exponentielle (qui est convexe) et logarithme népérien (qui est concave). Voici deux exemples classiques à connaître.

1) Démontrer que : \( \forall x \in \mathbb{R}_{+}^{*}, \ln(x) \le x-1 \)

La fonction logarithme népérien est concave sur \(\mathbb{R}_{+}^{*}\), donc sa courbe représentative passe en dessous de n’importe laquelle de ses tangentes. De fait, en prenant sa tangente au point d’abscisse \(1\), on a :

\( \forall x \in \mathbb{R}_{+}^{*}, \ln(x) \le \ln(1)+(x-1)\ln'(1)\), d’où :

\(\forall x \in \mathbb{R}_{+}^{*}, \ln(x) \le x-1 \)

2) Démontrer que : \( \forall x \in \mathbb{R}, e^{x} \ge x+1 \)

La fonction exponentielle est concave sur \( \mathbb{R} \), donc sa courbe représentative passe au-dessus de n’importe laquelle de ses tangentes. De fait, en prenant sa tangente au point d’abscisse 0, on a :

\( \forall x \in \mathbb{R}, e^{x} \ge e^{0}+(x-0)e^{1}\), d’où :

\(\forall x \in \mathbb{R}, e^{x} \ge x+1 \)

Ainsi, pense à utiliser les inégalités de convexité lorsque la fonction exponentielle ou logarithme népérien se présente.

L’inégalité triangulaire (pour les intégrales) et l’inégalité de la moyenne

  • \( \forall (a,b) \in \mathbb{R}^2, a \le b, \left|\displaystyle \int_{a}^{b}f(t) \, \mathrm{d}t \right| \le \displaystyle \int_{a}^{b}|f(t)| \, \mathrm{d}t \le (b-a)\max_{x \in [a,b]}|f(x)|\)

Grand classique pour démontrer des inégalités, l’inégalité triangulaire pour les intégrales est à connaître absolument. Il en est de même de sa petite sœur, l’inégalité de la moyenne, qui découle de l’inégalité des accroissements finis.

  • Soit \(f\) une fonction continue sur [a,b]. Soit \(m\) et \(M\) des réels tels que \( \forall t \in [a,b], m \le f(t) \le M \). Alors : \( m(b-a) \le \displaystyle \int_{a}^{b}f(t) \, \mathrm{d}t \le M(b-a) \)

Voici un exemple de cette dernière qu’il est bon de connaître (très très classique, il s’agit de la méthode des rectangles).

· Démontrer que : \( \forall n \ge 2, \displaystyle \sum_{k=1}^{n-1}\ln(k) \le \displaystyle \int_{1}^{n}\ln(t) \, \mathrm{d}t \le \displaystyle \sum_{k=1}^{n}\ln(k) \)

Soit \( n \ge 2 \).

La fonction \( \ln \) étant croissante sur \( \mathbb{R}_{+}^{*} \), on a :

\( \forall k \in \mathbb{N}^{*},\forall t \in [k,k+1], \ln(k) \le \ln(t) \le \ln(k+1) \)

D’où, par croissance de l’intégration, les bornes dans l’ordre croissant :

\( \forall k \in \mathbb{N}^{*}, \ln(k) \le \displaystyle \int_{k}^{k+1}\ln(t) \, \mathrm{d}t \le \ln(k+1) \)

Ainsi, en sommant chaque membre de l’inégalité précédemment obtenue de \( k=1 \) à \( k=n-1\), on obtient :

\( \displaystyle \sum_{k=1}^{n-1}\ln(k) \le \displaystyle \int_{1}^{n}\ln(t) \, \mathrm{d}t \le \displaystyle \sum_{k=2}^{n}\ln(k) \)

Puisque \( \ln(1)=0 \), cela revient à :

\( \displaystyle \sum_{k=1}^{n-1}\ln(k) \le \displaystyle \int_{1}^{n}\ln(t) \, \mathrm{d}t \le \displaystyle \sum_{k=1}^{n}\ln(k) \)

Pense ainsi à utiliser ces deux formules lorsque des intégrales sont présentes.

Démontrer une inégalité par étude d’une fonction

Cette méthode, assez triviale, peut parfois te faire gagner du temps par sa simplicité à travers des exercices d’analyse. Voici comment elle fonctionne.

Soit \(I\) un intervalle de \( \mathbb{R}\) et soient f et g deux fonctions définies et dérivables sur cet intervalle.

On souhaite montrer que \( \forall x \in I, f(x) \le g(x) \). Pour ce faire, on définit la fonction \( h \) par : \( \forall x \in I, h(x)=f(x)-g(x) \)

Il reste ensuite à étudier le signe de la fonction \(h\), notamment en passant par la dérivation.

Ainsi, pense à cette méthode lorsque tu dois démontrer une inégalité de la forme \( f(x) \le g(x) \)

Inégalité triangulaire pour la norme et inégalité de Cauchy-Schwarz

Dans cette partie, \(E\) désigne un espace vectoriel sur \( \mathbb{R} \).

  • Pour tout couple \( (x,y) \) de vecteurs de \( E \), on a :

\[ \|x+y\| \le \|x\|+\|y\| \]

  • Pour tout couple \( (x,y) \) de vecteurs de \( E \), on a :

\[ |\langle x,y\rangle| \le \|x\|\|y\| \] avec égalité si et seulement si la famille \( (x,y) \) est liée.

Ces deux formules sont très utiles pour démontrer des inégalités en algèbre. Voici un exemple avec l’inégalité de Cauchy-Schwarz.

Soit \(n \in \mathbb N^*\).

Démontrer que pour tous réels strictement positifs \( x_{1},…,x_{n} \), on a : \( n^{2} \le [x_{1}+…+x_{n}] \) \( [ \frac{1}{x_1},…,\frac{1}{x_n}] \)

On se place dans \( \mathbb{R}^{n} \) muni du produit scalaire canonique. On pose ensuite :

\( \displaystyle \forall k \in [\![1,n]\!], y_{k}=\sqrt(x_{k})\ et\ z_{k}=\frac{1}{\sqrt(x_{k})} \)

On applique alors l’inégalité de Cauchy-Schwarz aux vecteurs \( y=(y_{1},…,y_{n}) \) et \( z=(z_{1},…,z_{n})\) :

\(
\begin{align}
|\langle y,z\rangle| \le \|y\|\|z\| &\Rightarrow \displaystyle|\sum_{k=1}^{n}y_{k}z_{k}|^2 \le (\sum_{k=1}^{n}y_{k}^{2})(\sum_{k=1}^{n}z_{k}^{2}) \\
&\Rightarrow \displaystyle n^{2} \le [x_{1}+…+x_{n}] [ \frac{1}{x_1},…,\frac{1}{x_n}]
\end{align}
\)

Ainsi, pense à utiliser ces formules lorsque l’inégalité à démontrer porte sur des normes/produits scalaires de vecteurs d’un espace vectoriel \(E\), et de façon plus générale dans les exercices d’algèbre bilinéaire.

Les inégalités en probabilité par inclusion d’événements

Soient \(A\) et \(B\) deux événements d’un espace probabilisé \((\Omega, \mathcal{P}
(\Omega), \mathcal{A})\).

Lorsque tu devras démontrer quelque chose de la sorte \( P(A) \le P(B) \), pense à d’abord démontrer que \( A \subseteq B \), c’est-à-dire en fait que la réalisation de l’événement \(A\) implique celle de l’événement \(B\). Par la suite, par croissance d’une probabilité, tu auras nécessairement \( P(A) \le P(B) \).

Tu retrouveras souvent ce raisonnement dans des exercices de probabilités.

J’espère que cette liste des différentes méthodes pour démontrer une inégalité t’aura aidé·e.

N’hésite pas à consulter toutes nos ressources mathématiques !