Les notions hors programme se destinent surtout aux candidats qui visent les trois Parisiennes. Cet article te propose de décortiquer la notion de trace d’une matrice et son lien avec les valeurs propres, notion assez récurrente dans les sujets de concours, pour mieux t’aider à comprendre comment trouver les valeurs propres sans pour autant passer par une méthode fastidieuse de résolution de système.
Tu retrouveras également une liste des propriétés intéressantes de la notion afin d’être sensibilisé·e et non pris·e au dépourvu le jour J (cela te simplifie la tâche pour ficher aussi).
La notion de trace est au programme de maths approfondies (attention, seulement la définition, les propriétés qui suivent ne le sont pas). En revanche, elle n’est pas au programme de maths appliquées.
Définition de la trace d’une matrice
La trace d’une matrice n’intervient que dans les matrices carrées, c’est-à-dire les matrices de \(\mathcal{M}_{n}
(\mathbb{R})\)
La trace d’une matrice est définie par la somme des coefficients diagonaux de cette matrice.
Soit \(A=(a_{i,j})_{1 \le i,j \le n}\in\mathcal{M}_{n}(\mathbb{R})\), \(\text{Tr}(A)=\displaystyle \sum_{i=1}^{n}a_{ii}\)
Propriétés de la trace
Linéarité de la trace
La trace est une forme linéaire non nulle de \(\mathcal{M}_{n}(\mathbb{R})\) dans \(\mathbb{R}\)
Son noyau est donc un hyperplan de \(\mathcal{M}_{n}(\mathbb{R})\) de dimension \(n^{2}-1\) (application quasi directe du théorème du rang).
« Commutativité » de la trace
Pour toutes matrices \(A\) et \(B\) de \(\mathcal{M}_{n}(\mathbb{R})\), \(\text{Tr}(AB)=\text{Tr}(BA)\)
Preuve : Soient \(A=(a_{i,j})_{1 \le i,j \le n}\in\mathcal{M}_{n}(\mathbb{R})\) et \(B=(b_{i,j})_{1 \le i,j \le n}\in\mathcal{M}_{n}(\mathbb{R})\)
On note \(C=(c_{i,j})_{1 \le i,j \le n}\in\mathcal{M}_{n}(\mathbb{R})\) et \(D=(d_{i,j})_{1 \le i,j \le n}\in\mathcal{M}_{n}(\mathbb{R})\) telles que \(C=AB\) et \(D=BA\)
\(\forall{i}\in[\![1,n]\!], c_{ii}=\displaystyle \sum_{k=1}^{n}a_{i,k}b_{k,i}\Rightarrow\text{Tr}(C)=\text{Tr}(AB)=\displaystyle \sum_{i=1}^{n}\sum_{k=i}^{n} a_{i,k}b_{k,i}\)
\(\forall{i}\in[\![1,n]\!], d_{ii}=\displaystyle \sum_{k=1}^{n}b_{i,k}a_{k,i}\Rightarrow\text{Tr}(D)=\text{Tr}(BA)=\displaystyle \sum_{i=1}^{n}\sum_{k=i}^{n} b_{i,k}a_{k,i}=\displaystyle \sum_{i=1}^{n}\sum_{k=i}^{n} b_{k,i}a_{i,k}\)
On a donc bien \(\text{Tr}(AB)=\text{Tr}(BA)\)
Deux matrices semblables ont la même trace
La proposition précédente nous permet d’obtenir une nouvelle propriété, très intéressante, on le verra pour la détermination des valeurs propres.
En effet, on a montré que \(\text{Tr}(AB)=\text{Tr}(BA)\), donc \(\text{Tr}(AB)=\text{Tr}(BA)\), donc \(\text{Tr}(P^{-1}AP)=\text{Tr}(AP^{-1}P)=\text{Tr}(A)\)
Ce qui montre bien que deux matrices semblables ont la même trace.
Liens entre trace et valeurs propres
Attention : cette technique n’est généralisable que si la matrice en question est diagonalisable. Il faut donc s’assurer au préalable que la matrice est diagonalisable.
La dernière propriété énoncée nous montre que deux matrices semblables ont les mêmes valeurs propres. Or, on sait qu’une matrice diagonalisable est, par définition, semblable à une matrice diagonale. On en déduit donc que la trace d’une matrice diagonalisable n’est autre que la somme de ses valeurs propres.
Soient \({\lambda_1,\lambda_2,\ldots,\lambda_n}\) les valeurs propres de \(A\) (qui peuvent apparaître plusieurs fois en fonction de la dimension du sous-espace propre associé). On a \(\text{Tr}(A)=\displaystyle \sum_{k=1}^{n}\lambda_k\)
Calcul des valeurs propres par la trace
Partant de cela, on peut trouver des valeurs propres plus facilement. En effet, pour une matrice de \(\mathcal{M}_{n}(\mathbb{R})\), si on a trouvé \(n-1\) valeurs propres ou alors \(k\) valeurs propres telles que la somme des dimensions des sous-espaces propres soit égale à \(n-1\) – c’est-à-dire qu’on a déjà trouvé \(n-1\) « places sur la diagonale » –, il ne nous reste plus qu’à utiliser la trace pour trouver la dernière valeur propre.
Pour cela, on calcule la trace de la matrice en question et on soustrait la somme des valeurs propres trouvées. En effet :
\(\lambda_n=\text{Tr}(A)-\displaystyle \sum_{k=1}^{n-1}\lambda_k\)
Cette technique ne permet de calculer que la dernière valeur propre (ou les dernières si on a obtenu des propriétés intéressantes sur la matrice au cours de l’exercice). Il faut ainsi penser à l’utiliser quand :
– la matrice est « petite » (\(\mathcal{M}_{3}(\mathbb{R})\) et deux valeurs propres sont trouvables facilement) ;
– le contexte de l’exercice parvient à nous faire trouver \(n-1\) valeurs propres.
Un exemple
Considérons la matrice de \(\mathcal{M}_{3}(\mathbb{R})\) suivante :
\[A=\begin{pmatrix} 4 & -12 & 2\\ -12 & 36 & -6\\ 2 & -6 & 1\end{pmatrix}\]
Cette matrice est symétrique, donc diagonalisable. On va pouvoir appliquer la propriété.
En étudiant le noyau de cette matrice, on a rapidement que le noyau est de dimension 2. En effet, en notant \(C_i\) les colonnes, on a \(3C_1+C_2=0\) et \(2C_1+C_2+2C_3=0\). Comme la matrice n’est pas nulle, le noyau ne peut pas être de dimension 3. Mais comme les opérations précédentes ne sont pas colinéaires, on a que le noyau de la matrice est de dimension supérieure ou égale à 2. Donc, nécessairement, le noyau de la matrice est égal à 2.
On a donc que la dimension du sous-espace propre associé à la valeur propre 0 est 2. Ainsi, il ne reste qu’une valeur propre à trouver qui est donc égale à \(\text{Tr}(A)-0-0=41\). La dernière valeur propre est donc 41.
On a donc trouvé le spectre de cette matrice sans passer par un système fastidieux.
Cette notion classique s’est retrouvée dans plusieurs annales de concours, en voici un exemple : Oral ESCP 2019 – Exercices 2.4 et 2.9.
Tu peux aussi retrouver toutes nos ressources de mathématiques en cliquant ici.