Bonjour à toutes et à tous, je suis ravie de vous retrouver dans cet épisode de l’Accroche, la mini-série de podcast de Major-Prépa qui décrypte des curiosités historiques, géographiques ou littéraires pour te donner de supers accroches à intégrer dans tes copies d’ESH, d’HGG et de CG. Pour continuer la série, je te propose de découvrir ensemble l’un des personnages les plus connus de la littérature française : Madame Bovary, la jeune héroïne de Flaubert au destin tragique.
Parfois femme hystérique, parfois tragique, Emma Bovary est un personnage bien plus complexe qu’on voudrait nous le faire croire. Au delà de la qualité de l’histoire et de la plume de Flaubert, Madame Bovary nous fait part d’une vraie souffrance à travers les fantasmes de drame et de fiction de son héroïne.
Résumé : La perpétuelle insatisfaction d’Emma Bovary
Emma, présentée comme une femme rêveuse et romantique qui a passé sa jeunesse le nez dans des livres à l’eau de rose, ne parvient pas à se contenter de sa vie banale de femme d’un médecin de province que Flaubert décrit d’amblée comme niais, effacé et rustre. Le pragmatisme de la femme au foyer ne correspond pas à ses fantasmes et Emma souffre d’une mélancolie profonde. Elle joue des rôles lorsqu’elle est seule, s’imaginant héroïne de roman et trouvant presque indigne d’une femme de son âge le ménage, la gestion du foyer, la solitude des journées où elle attend son mari.
Son mari ne la satisfait pas. Ils sont roturiers mais ils aimeraient être nobles. Ils vivent confortablement mais elle voudrait être riche. Ils vivent une vie de couple simple qui comble Charles, son mari, mais elle rêve de charme et de fête. Elle considère son mari aimant comme médiocre et après avoir dramatiquement résisté à la tentation, elle finit par céder à ses amants. Emma Bovary trouve sa propre fille laide et la repousse. Tout ce qui touche à son mari lui fait horreur. Elle trouve un confort fou à avoir un amant mais se retrouve pétrie de remords lorsque celui-ci la déleste.
Emma engage également de folles dépenses et s’endette auprès d’un vendeur pour acheter à ses amants et elle même des cadeaux de luxe. Face à un Charles complètement aveugle et passif, Emma sombre et les finances du ménage avec.
Elle finit par se suicider à l’arsenic dans d’atroces souffrances, son mari mourant de chagrin quelque temps plus tard tandis que ses amants s’endorment tranquillement.
La souffrance de Madame Bovary, un mal profond
Cette fin douloureuse et cruelle semble être une punition subie par Emma pour ses nombreux travers. Mais s’il est facile de condamner en bloc cette femme tragique et de mépriser son incapacité à vivre une vie somme toute confortable, sans se plaindre, il est nécessaire de se pencher sur ce que ce personnage dit de la femme dans la société de la fin du 19e et ce qu’il dit de nous en tant que lecteur.
« L’objet de Madame Bovary c’est le néant, la médiocrité, une vie sans importance », affirme l’anthropologue François Laplantine.
Cependant, la description faite par Flaubert de cette femme, sa situation sociale et ses moindres pensées n’a rien de vide ni de banal. Si la vie d’Emma semble médiocre à tout point de vue, il est beaucoup trop facile d’écarter sa souffrance d’un trait de plume.
La souffrance d’Emma est niée par tous les autres personnages du roman mais est comprise par le lecteur. Lorsqu’elle se confie au curé, elle met pour la première fois des mots sur ce qu’elle ressent. Ses émotions sont alors repoussées et décriées par le curé. Lorsqu’elle tente de se suicider et de se jeter par une fenêtre après sa rupture avec son amant Rodolphe, tous les personnages masculins autour d’elle s’empressent de trouver une explication médicale à son acte sans prêter attention à sa souffrance psychologique. On la décrit comme faible, hystérique, souffreteuse, mélancolique. Ces mots qui sont d’ailleurs réservés aux femmes à son époque l’empêchent d’accéder aux soins dont elle aurait besoin.
Les symptômes dépressifs d’Emma Bovary
Madame Bovary n’a pas une situation très enviable. Mariée à un homme qui l’aime certes mais qu’elle n’aime pas en retour et qu’elle n’arrive pas à respecter malgré ses essais, elle passe ses journées seule, dans une maison morne et tombe enceinte presque par hasard. Chacune des étapes de sa vie est presque subie : son mariage, ses relations avec ses amants, eux-mêmes qui finissent par l’abandonner et ne pleureront pas sa mort, ses dettes qui s’accumulent.
Flaubert, moderne pour l’époque, tire déjà Emma des affres du personnage féminin hystérique classique pour son temps et la teinte de véritable dépression. Un lien est enfin tracé entre la condition humaine, ici féminine, et la condition psychique. De très nombreux symptômes sont décrits : Emma trouve difficile de prendre soin d’elle, elle n’a plus envie de rien. Elle se déprécie et se décrie.
Le regard des autres et du lecteur sur Madame Bovary
Enfin il est important de souligner à quel point Emma est soumise au regard de l’autre, en particulier des hommes qui l’entourent. Quand un homme s’entiche d’elle et la complimente, elle est exaltée, presque trop heureuse. Une fois qu’il s’est lassé d’elle, elle sombre dans une phase dépressive qu’elle romantise et teinte de dévotion. Lorsqu’elle va à l’église, elle se perçoit comme une sorte de martyre. Ses amants, tous intellos ou puissants qu’ils soient, ne comblent pas ses manques. Elle se compare aux hommes et se plaint à plusieurs reprises de n’être qu’une femme mais aussi aux autres femmes, notamment celles dont elle croit savoir qu’elles vivent une meilleure vie.
Flaubert parvient ainsi à éviter de traiter d’hystérique son héroïne, ce qui lui permet alors de garder toute sa complexité par des descriptions qui suscitent l’empathie du lecteur.
Cette anecdote peut être très utile pour introduire ou développer de nombreux sujets sur la condition féminine, l’amour, la dépression ou la vertu. Les possibilités que nous offrent Madame Bovary sont infinies quand on cherche à la comprendre.
On se retrouve très bientôt dans le prochain épisode de la série !
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