Major Prépa > Ressource > Podcast > L’internationalisation et la mondialisation depuis les années 1950 ont-elles réduit les inégalités ? (La colle géopo #2)

Si les répercussions de la guerre d’Ukraine touchent le monde entier, c’est bien parce que le monde d’aujourd’hui est interconnecté. Dans la crise énergétique qui vient, seuls les pays les plus puissants seront en mesure de limiter la casse, en témoignent les critiques de Mario Draghi envers l’Allemagne qui fait cavalier seul en se dotant d’un plan de 200 milliards d’euros supplémentaires pour limiter les prix du gaz et de l’électricité.
Dans ces conditions, la mondialisation semble avoir catalysé les inégalités plutôt que les avoir inhibées.
Pourtant, la mondialisation a permis de réduire les inégalités. En s’arrimant à la mondialisation, de nombreux pays se sont développés : les tigres et les dragons asiatiques, les éléphants africains, les jaguars latino-américains. À l’échelle des populations, la mondialisation semble au contraire avoir exacerbé les inégalités.
Dès lors, la mondialisation a-t-elle contribuée à réduire les inégalités dans le monde par les richesses qu’elle a générées ou bien au contraire ces mêmes richesses ne concernant que certains, la mondialisation aurait exacerbée les inégalités, voire en aurait créé de nouvelles ?
Tu peux écouter le podcast juste ici :
Cet article résume en substance le contenu de la colle (podcast). Vous pouvez télécharger la fiche pdf associée, dans laquelle les notions sont approfondies : Mondialisation et inégalités
I. La mondialisation semble à l’évidence avoir réduit les inégalités à l’échelle mondiale
Il y a tout d’abord une réduction des inégalités entre les pays, les PED ayant rattrapé les PDEM. Cela s’explique grâce à la généralisation de l’industrialisation, par la diffusion des progrès techniques (révolution verte, l’essor des NTIC). Ce rattrapage économique permet un rattrapage social (sortie massive de la pauvreté, émergence de classes moyennes) puis géopolitique (intégration des institutions existantes voire création de nouvelles, militarisation).
II. Pourtant, la mondialisation s’est à l’inverse accompagnée d’une explosion des inégalités au sein des sociétés et apparaît ainsi comme un phénomène intrinsèquement inégalitaire
En effet, en raison de son décollage relatif depuis le début du XXIe siècle, l’Afrique subsaharienne est devenue la zone la plus inégalitaire au monde. Elle rassemble en effet 8 des 10 pays les plus inégalitaires comme le Nigeria. Le Nigeria c’est la 1ère économie d’Afrique, il y a 4 des 16 milliardaires africains. Mais le Nigéria c’est aussi 70% de ses habitants qui vivent en dessous du seuil de pauvreté et 60% qui n’ont pas accès à l’électricité. On peut retrouver ces inégalités en Asie (Chine, Inde, etc.) ou en Amérique Latine (Brésil, Venezuela, Chili). L’Europe n’est pas exclue de ce phénomène : la classe moyenne s’étiole, le chômage augmente, et les emplois se précarisent.
III. Finalement et au demeurant, les inégalités ne se sont pas transformées partout au même rythme ni à la même échelle
Tout d’abord, les inégalités ne se sont vraiment réduites qu’entre les pays développés et la vingtaine de pays émergents. Si l’on regarde de plus près, les trajectoires des Nords face à l’inégalité ne sont pas les mêmes. Il y a d’un côté « les heureux du monde», généralement faiblement peuplés, qui ont creusé leur avance. Ce sont le Japon, le Canada, les Scandinaves, l’Islande, les Pays-Bas, le Luxembourg, l’Australie, ou encore la Nouvelle-Zélande.
Et d’un autre côté les anciens PDES (Macédoine, Géorgie, Moldavie, Biélorussie) ainsi que la Grèce qui régressent. Au niveau des Suds, l’émergence n’a pas permis à tous le développement. Il y a d’une part les convergents (HK, Singapour, Taiwan, Corée du Sud), anciens émergents dont les indicateurs de développement ont rattrapé ceux des PDEM. Et d’autre part, l’Inde par exemple, véritable prototype de la croissance sans développement. L’émergence a engagé une dynamique de croissance sans rendre équivalentes les conditions de vie.
Enfin, les inégalités s’étendant même aux diverses régions d’un même territoire national : ce sont les bidonvilles au Brésil ou en Inde qui font face aux résidences luxueuses.
Conclusion
La mondialisation semble réduire les inégalités à l’échelle mondiale, mais les exacerber au niveau des populations. Plus encore, on peut penser que les inégalités sont consubstantielles à la mondialisation qui s’en nourrit. Les inégalités générées par une mondialisation débridée conduisent Joek Kotkin à alerter les classes moyennes de « l’avènement d’un néo-féodalisme » (The Coming of Neo-Feudalism) où la structure de notre société actuelle s’apparenterait à terme à celui des classes féodales. Ainsi, trois classes domineraient les nouveaux serfs (classe moyenne appauvrie et classe populaire) : une élite cléricale renaissante (dominant les médias, la culture, les cadres), une nouvelle aristocratie (oligarques de la technologie et de l’information) et le troisième pouvoir (petits entrepreneurs, de petits propriétaires, d’ouvriers qualifiés).
Si vous souhaitez préparer en avance le sujet de khôlle de la semaine prochaine, le voici : La France est-elle une puissance en déclin ?
NB : Je remercie mes différents professeurs Frédéric BESSET, Benoit JOULIA et Lionel POURTY dont les cours et les intuitions m’ont permis de construire cet article, ce podcast et cette fiche.