La dernière journée de la première semaine des concours BCE se termine bientôt ! Bon courage à tout ceux qui passent encore les concours. Retrouve dans cet article au plus tôt le sujet de synthèse de textes ESCP HEC 2025.
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Rejoins nous en live tous les soirs de concours à 18h30 dans notre live inside concours BCE pour un débrief rapide de la synthèse ESCP 2025.
Sujet de synthèse ESCP HEC 2025
Conception: ESCP BS – HEC Paris
FILIÈRE ÉCONOMIQUE ET COMMERCIALE ET
FILIÈRE LITTÉRAIRE
VOIE GÉNÉRALE, TECHNOLOGIQUE et programme ENS ULM A/L. et ENS Lyon
ÉTUDE et SYNTHÈSE DE TEXTES
Mardi 29 avril 2025, de 8h. à 12 h.
Vous présenterez, en 300 mots (tolérance de 10% en plus ou en moins), une synthèse des trois textes ci-après, en confrontant, sans aucune appréciation personnelle et en évitant autant que possible les citations, les divers points de vue exprimés par leurs auteurs.
Mentionnez le décompte par 50 mots et indiquez, en fin de copie, le nombre de mots utilisés.
Aucun document n’est autorisé. L’utilisation de toute calculatrice et de tout matériel électronique est interdite.
FILIÈRE ÉCONOMIQUE ET COMMERCIALE ET
FILIÈRE LITTÉRAIRE
VOIE GÉNÉRALE, TECHNOLOGIQUE et programme ENS ULM A/L. et ENS Lyon
ÉTUDE et SYNTHÈSE DE TEXTES
Mardi 29 avril 2025, de 8h. à 12 h.
Vous présenterez, en 300 mots (tolérance de 10% en plus ou en moins), une synthèse des trois textes ci-après, en confrontant, sans aucune appréciation personnelle et en évitant autant que possible les citations, les divers points de vue exprimés par leurs auteurs.
Mentionnez le décompte par 50 mots et indiquez, en fin de copie, le nombre de mots utilisés.
Aucun document n’est autorisé. L’utilisation de toute calculatrice et de tout matériel électronique est interdite.
TEXTE 1
Car il est temps d’y songer, la nature s’en va. Sous la main du paysan les grands végétaux disparaissent, les landes perdent leurs parfums, et il faut aller loin des villes pour trouver le silence, pour respirer les émanations de la plante libre ou surprendre le secret du ruisseau qui jase et qui coule à son gré, Tout est abattis, nivellement, redressement, clôture, alignement, obstacle; si, dans ces cultures tirées au cordeau qui ont la prétention de s’appeler la campagne, vous voyez de temps en temps un massif de beaux arbres, soyez certain qu’il est entouré de murs et que c’est là une propriété particulière où vous n’avez pas le droit de faire entrer votre enfant pour qu’il sache comment est fait un tilleul ou un chêne. Le riche a seul le droit de conserver un petit coin de la nature pour sa jouissance personelle. Le jour où la loi agraire serait décrétée, il ne resterait plus un arbre en France. En Berry, on mutile l’orme pour nourrir les moutons, l’hiver, avec la feuille et pour chauffer le four avec les branches. Il n’y a plus que des têteaux, c’est-à-dire des monstres.
Tout le monde sait l’histoire du sable blanc en France ; c’est notre plus bel arbre, celui qui atteint les plus imposantes dimensions. Il n’en reste peut-être pas trois ; mais certaines régions sont
sont couvertes de petites boules de feuillage blanchâtre ayant pour support une grosse bûche informe toute crevassée, c’est là le saule blanc, le géant de nos climats.
La plupart des grandes étendues boisées se sont resserrées. Où trouver maintenant la forêt des
Ardennes ? Les forêts qui subsistent sont à l’Etat de coupes réglées et n’ont point de beauté durable. Les besoins deviennent de plus en plus pressants, l’arbre, à peine dans son âge adulte, est abattu sans respect et sans regret. Que de colosses admirables les personnes de mon âge ont vu tomber ! Il n’y en a plus, il faut invente des charpentes en fer, on ne pourra bientôt plus trouver ni poutres ni chevrons. Partout le combustible renchérit et devient rare. La houille est chère aussi, la nature s’épuise et l’industrie scientifique ne trouve pas le remède assez vite.
Irons-nous chercher tous nos bois de travail en Amérique ? Mais la forêt vierge va vite aussi et
s’épuisera à son tour. Si on n’y prend garde, l’arbre disparaîtra et la fin de la planète viendra par
dessèchement sans cataclysme nécessaire, par la dite de homme. N’en riez pas, ceux qui ont étudié la question n’y songent pas sans épouvante.
La plupart des grandes étendues boisées se sont resserrées. Où trouver maintenant la forêt des
Ardennes ? Les forêts qui subsistent sont à l’Etat de coupes réglées et n’ont point de beauté durable. Les besoins deviennent de plus en plus pressants, l’arbre, à peine dans son âge adulte, est abattu sans respect et sans regret. Que de colosses admirables les personnes de mon âge ont vu tomber ! Il n’y en a plus, il faut invente des charpentes en fer, on ne pourra bientôt plus trouver ni poutres ni chevrons. Partout le combustible renchérit et devient rare. La houille est chère aussi, la nature s’épuise et l’industrie scientifique ne trouve pas le remède assez vite.
Irons-nous chercher tous nos bois de travail en Amérique ? Mais la forêt vierge va vite aussi et
s’épuisera à son tour. Si on n’y prend garde, l’arbre disparaîtra et la fin de la planète viendra par
dessèchement sans cataclysme nécessaire, par la dite de homme. N’en riez pas, ceux qui ont étudié la question n’y songent pas sans épouvante.
On replantera, on replante beaucoup, je le sais, mais on s’y est pris si tard que le mal est peut-être irréparable. Encore un été comme celui de 1870 en France, et il faudra voir si l’équilibre peut se rétablir entre les exigences de la consommation et les forces productives du sol. Il y une question qu’on n’a pas assez étudiée et qui reste très mystérieuse: c’est que la nature se lasse quand on la détourne de son travail. Elle a ses habitudes qu’elle quitte sans retour quand on les dérange trop longtemps. Elle donne alors à ses forces un autre emploi ; elle voulait bien
produire de grands végétaux, elle y était portée, elle leur donnait la sève avec largesse.
Condamnée à se transformer sous d’autres influences, la terre transforme ses moyens d’action.
produire de grands végétaux, elle y était portée, elle leur donnait la sève avec largesse.
Condamnée à se transformer sous d’autres influences, la terre transforme ses moyens d’action.
Défrichée et engraissée, elle fleurit et fructifie à la surface, mais la grande puissance qu’elle avait pour les grandes créations elle ne l’a plus et il n’est pas sûr qu’elle la retrouve quand on la lui redemandera. Le domaine de l’homme devient trop étroit pour ses agglomérations. Il faut qu’il l’étende, il faut que des populations émigrent et cherchent le désert. Tout va encore par ce moyen, la planète est encore assez vaste et assez riche pour le nombre de ses habitants ; mais il y a un grand péril en la demeure, c’est que les appétits de l’homme sont devenus des besoins impérieux que rien n’enchaine, et que si ces besoins ne s’imposent pas, dans un temps donné, une certaine limite, il n’y aura plus de proportion entre la demande de l’homme et la production de la planète. Qui sait si les sociétés disparues, envahies par le désert, qui sait si notre satellite que l’on dit vide d’habitants et privé d’atmosphère, n’ont pas péri par l’imprévoyance des générations et l’épuisement des forces trop surexcitées de la nature ambiante ?
En attendant que l’humanité s’éclaire et se ravise, gardons nos forêts, respectons nos grands arbres, et, s’il faut que ce soit au nom de l’art, si cette considération est encore de quelque poids par le temps de ruralité réaliste qui court, écoutons et secondons nos vaillants artistes; mais nous tous, protestons aussi, au nom de notre propre droit et forts de notre propre valeur, contre des mesures d’abrutissement et d’insanité. Pendant que, de toutes parts, on bâtit des églises fort laides, ne souffrons pas que les grandes cathédrales de la nature dont nos ancêtres eurent le sentiment profond en élevant leurs temples, soient arrachées à la vénération de nos descendants. Quand la terre sera dévastée et mutilée, nos productions et nos idées seront à l’avenant des choses pauvres et aides qui frapperont nos yeux à toute heure. Les idées rétrécies réagissent sur les sentiments qui s’appauvrissent et se faussent. L’homme a besoin de l’Éden pour horizon. Je sais bien que beaucoup disent: “Après nous la tin du monde !» C’est le plus hideux et le plus funeste blasphème que l’homme puisse proférer. C’est la formule de sa démission d’homme, car c’est la rupture du lien qui unit les générations et qui les rend solidaires
les unes des autres.
En attendant que l’humanité s’éclaire et se ravise, gardons nos forêts, respectons nos grands arbres, et, s’il faut que ce soit au nom de l’art, si cette considération est encore de quelque poids par le temps de ruralité réaliste qui court, écoutons et secondons nos vaillants artistes; mais nous tous, protestons aussi, au nom de notre propre droit et forts de notre propre valeur, contre des mesures d’abrutissement et d’insanité. Pendant que, de toutes parts, on bâtit des églises fort laides, ne souffrons pas que les grandes cathédrales de la nature dont nos ancêtres eurent le sentiment profond en élevant leurs temples, soient arrachées à la vénération de nos descendants. Quand la terre sera dévastée et mutilée, nos productions et nos idées seront à l’avenant des choses pauvres et aides qui frapperont nos yeux à toute heure. Les idées rétrécies réagissent sur les sentiments qui s’appauvrissent et se faussent. L’homme a besoin de l’Éden pour horizon. Je sais bien que beaucoup disent: “Après nous la tin du monde !» C’est le plus hideux et le plus funeste blasphème que l’homme puisse proférer. C’est la formule de sa démission d’homme, car c’est la rupture du lien qui unit les générations et qui les rend solidaires
les unes des autres.
George Sand, « La Forét de Fontainebleau », Le Temps, 13 novembre 1872.
TEXTE 2
Les métamorphoses environnementales et les instabilités climatiques font émerger des alliances surprenantes. Il faudrait, plaident ainsi Philippe Descola ou Baptiste Morizot (qui réfléchit aux relations de «diplomatie » à inventer avec d’autres espèces) supporter ce moment d’instabilité où l’on ne sait pas trop quelles relations il convient d’entretenir avec ces autres formes de vie, mais où l’on pressent que c’est là un des enjeux politiques de notre temps : ne pas se hâter de stabiliser les relations, ne pas se risquer à changer les non-humains en humains, considérer patiemment les liens possibles, parier sur les métamorphoses, relancer l’imagination.
Dans des paysages tout aussi instables, Ovide faisait déjà lever, de désir en désir, le parlement élargi qu’il nous faut aujourd’hui instituer, ce parlement qui rassemblerait sur la scène politique humains et non-humains, hommes et bêtes, fleuves, pierres, forêts… Parlement élargi pour un âge métamorphique, qui sait et ne sait pas ce qui lui arrive. Ovide en effet chante la vie qui jamais ne se fixe, toujours déclose, prometteuse, inquiétante, la vie qui est toujours une autre vie; il chante les corpora novo, ces formes changées en corps nouveaux, il chante le devenir, l’impermanence, sans doute même chante-t-il déjà la critique. Luc Boltanski (sociologue et poète, je l’ai dit) a d’ailleurs eu l’audace d’entendre dans Les Métamorphoses une leçon sur la mobilité du social, sur la transformation qui est la substance même du social et constitue le moteur de la critique : la vie sociale est faite d’arrangements, mais d’arrangements plus fragiles qu’on ne le croit qui pourraient être tout autres, car décidément rien ne nous oblige à vivre «comme ça”.
Exercer la critique, sentir que le monde pourrait être différent, s’engager, lutter, c’est percevoir partout l’ouverture de ce « tout autre », ces possibles à même le monde, à même les choses.
On peut percevoir par exemple, dans le fait même d’une forêt qui lutte pour le maintien de son existence, la levée d’un peuple. Observant, soutenant ce qui se tente aujourd’hui dans des espaces protégés par leur occupation même, Jean-Baptiste Vidalou relève ainsi l’unité d’une expérience, d’une tentative, celle qui consiste à habiter des territoires en lutte, à lutter par le fait même de les habiter, d’y installer sans exploitation ni domination des morceaux de sa vie. Les militants de Notre-Dame-des-Landes, bien sûr, de Bure, du Morvan, mais aussi, à l’échelle du globe, les paysans du Guerrero au Mexique, les trappeurs du peuple cree, les Penan de Bornéo s’armant de sarbacanes contre les compagnies de plantation de palmiers à huile… Il appelle cela (et voilà qui allonge le chapelet des lignes et des pensées infinitives): «être forêt». Être forêt ce n’est pas se prendre pour un arbre, c’est suivre la piste de cet événement vertical qu’est une forêt, «quelque chose qui, contre l’étrangeté du monde administré, est enfin là »; et braver les pratiques dévastatrices (de sols, de vies et d’idées). Il ne s’agit pas seulement de prendre la nature en respect, de voir dans la forét une réserve précieuse de la biosphère, mais d’y reconnaitre « un certain alliage, une certaine composition tout à fait singulière de liens, d’êtres vivants, de magie», un peuple qui parait, “une défense qui s’organise», un imaginaire qui s’intensifie, de nouvelles raisons d’aimer, des lieux et des liens où il serait enfin possible de respirer.
Aujourd’hui c’est sur les ZAD (sur des sols de fait protégés par la lutte contre les aménagements) que se nouent effectivement, de façon quotidienne, continue, étendue, d’autres rapports avec les choses et les territoires de la nature (et, partant, entre les individus). Un monde d’idées et de là-bas se structure et se prouve, autour d’intuitions nouvelles, favorisant les
interactions entre vivants de toutes sortes, de tous statuts, multipliant les emmêlements du monde.
On peut percevoir par exemple, dans le fait même d’une forêt qui lutte pour le maintien de son existence, la levée d’un peuple. Observant, soutenant ce qui se tente aujourd’hui dans des espaces protégés par leur occupation même, Jean-Baptiste Vidalou relève ainsi l’unité d’une expérience, d’une tentative, celle qui consiste à habiter des territoires en lutte, à lutter par le fait même de les habiter, d’y installer sans exploitation ni domination des morceaux de sa vie. Les militants de Notre-Dame-des-Landes, bien sûr, de Bure, du Morvan, mais aussi, à l’échelle du globe, les paysans du Guerrero au Mexique, les trappeurs du peuple cree, les Penan de Bornéo s’armant de sarbacanes contre les compagnies de plantation de palmiers à huile… Il appelle cela (et voilà qui allonge le chapelet des lignes et des pensées infinitives): «être forêt». Être forêt ce n’est pas se prendre pour un arbre, c’est suivre la piste de cet événement vertical qu’est une forêt, «quelque chose qui, contre l’étrangeté du monde administré, est enfin là »; et braver les pratiques dévastatrices (de sols, de vies et d’idées). Il ne s’agit pas seulement de prendre la nature en respect, de voir dans la forét une réserve précieuse de la biosphère, mais d’y reconnaitre « un certain alliage, une certaine composition tout à fait singulière de liens, d’êtres vivants, de magie», un peuple qui parait, “une défense qui s’organise», un imaginaire qui s’intensifie, de nouvelles raisons d’aimer, des lieux et des liens où il serait enfin possible de respirer.
Aujourd’hui c’est sur les ZAD (sur des sols de fait protégés par la lutte contre les aménagements) que se nouent effectivement, de façon quotidienne, continue, étendue, d’autres rapports avec les choses et les territoires de la nature (et, partant, entre les individus). Un monde d’idées et de là-bas se structure et se prouve, autour d’intuitions nouvelles, favorisant les
interactions entre vivants de toutes sortes, de tous statuts, multipliant les emmêlements du monde.
Nos cabanes en effet, d’est dans ces espaces ovidiens devenus lieux de lutte qu’il faut les élever, comme le poème s’élève, lui qui jamais ne s’étale ni ne viendra vous retomber sur les pieds. Au coeur d’espaces et d’attachements défendus dans l’exacte mesure où ils sont écoutés. Il faut récrire a même les landes abimées, les glaciers saccagés, au milieu des oiseaux morts mais aussi des techniques de tous ordres, des imaginations et des projets, le grand poème d’Ovide.
Marielle Macé, Nos Cabanes, Verdier, 2019.
TEXTE 3
La phrase de Carl Schmidt, qui définit l’essence du politique comme l’acte de distinguer entre
amis et ennemis, connaît un retour en grâce aujourd’hui parce qu’elle permet de vivifier l’idée que la politique n’est pas cantonnée aux formes consensuelles de la délibération et de la négociation. Qu’elle n’est pas confisquée par la marge de manoeuvre institutionnelle limitée du citoyen votant, mais qu’elle est faite de luttes, de rapports de force et de conflits. Aujourd’hui, Il y a dans le champ de l’écologie politique un clivage entre les tenants de la négociation et ceux des conflits. Je crois que les positions monolithiques sur cette question, celle des pro-luttes qui assimilent toute négociation à une compromission avec le « système », celle des réformateurs qui pensent toute lutte radicale comme une immaturité romantique, nous cachent l’enjeu intellectuel et politique réel : comment articuler ensemble de manière organisée, avec des cibles appropriées, la négociation et la lutte. La principale difficulté ici, c’est donc de penser ensemble même territoire, impliquant l’invention de modus vivendi et des formes de négociations d’usages, tout en maintenant la nécessité d’une lutte contre certains acteurs.
amis et ennemis, connaît un retour en grâce aujourd’hui parce qu’elle permet de vivifier l’idée que la politique n’est pas cantonnée aux formes consensuelles de la délibération et de la négociation. Qu’elle n’est pas confisquée par la marge de manoeuvre institutionnelle limitée du citoyen votant, mais qu’elle est faite de luttes, de rapports de force et de conflits. Aujourd’hui, Il y a dans le champ de l’écologie politique un clivage entre les tenants de la négociation et ceux des conflits. Je crois que les positions monolithiques sur cette question, celle des pro-luttes qui assimilent toute négociation à une compromission avec le « système », celle des réformateurs qui pensent toute lutte radicale comme une immaturité romantique, nous cachent l’enjeu intellectuel et politique réel : comment articuler ensemble de manière organisée, avec des cibles appropriées, la négociation et la lutte. La principale difficulté ici, c’est donc de penser ensemble même territoire, impliquant l’invention de modus vivendi et des formes de négociations d’usages, tout en maintenant la nécessité d’une lutte contre certains acteurs.
La politique des interdépendances répond à cette question ainsi : négociation avec tous les membres du tissage qui le font tenir et tiennent par lui ; lutte contre tous ceux qui le détruisent,
l’exploitent en le fragilisant de manière structurelle.
l’exploitent en le fragilisant de manière structurelle.
Dans le champ des pratiques forestières, la « sylviculture non violente », par exemple, exploite les forêts, mais elle fait partie du tissage, parce que ses pratiques font justice aux dynamiques
propres de la forêt, sont riches d’égards pour elles. Parce que ces sylviculteurs ont accompli la circulation empathique parmi les points de vue de la forêt, de ses acteurs sauvages : Ils prennent en compte le point de vue de leur ancienne « ressource ». À l’inverse, les sylvicultures monoculturelles dont les investisseurs vivent à des milliers de kilomètres des forêts exploitées, et dont la fonction est de transformer les parcelles en usines à bois pour nourrir les marchés mondiaux, sont un opposant aux interdépendances qui tiennent ensemble les acteurs vivants du milieu.
Je ne dis pas que faire la part entre alliés et opposants est désormais évident: je propose une boussole pour naviguer un peu mieux à la lumière d’analyses concrètes, dans des situations inextricables. Le jeu des alliés avec qui négocier et des ennemis à combattre ne se fait plus à la lumière des camps (celui des humains, celui de la nature, celui des loups, celui des bergers, celui des arbres, celui des décroissants, celui des capitalistes) mais à la lumière des interdépendances qui fondent la vie d’un milieu. C’est une boussole fragile, J’en ai conscience, mais c’est le mieux que j’aie trouvé jusqu’ici pour apporter un peu de lumière dans notre conjoncture si sombre ; et peut-être servira-t-elle à clarifier certaines situations.
La tentative de sentir depuis le point de vue des interdépendances permet alors une nouvelle cartographie politique dans laquelle décentrement empathique et exigence de lutter n’apparaissent plus incompatibles. Car armer le point de vue des interdépendances ne revient pas à une empathie consensuelle et pacificatrice envers tout le monde indistinctement, mais à une autre manière de faire émerger les amis et les ennemis. Ce ne sont plus les ennemis de mon camp humain extrait des tissages avec les vivants, mais les ennemis du tissage lui-même. Et il y a bien des luttes nécessaires et possibles depuis le point de vue des interdépendances: précisément, contre tous usages de la terre qui détruisent ou méprisent les
interdépendances. Cette lutte se mène au nom d’une communauté d’importance multispécifiques, d’une trame d’interdépendance soutenable, contre les usages humains qui la mettent en danger.
Voir du point de vue des interdépendances, C’est faire saillir en toute clarté les ennemis du tissage. Cela politise « mieux» parce qu’on ne défend plus des idées hors sol, mais des communautés d’importance, des transformations collectives de l’usage des territoires vivants, qui font justice à leur histoire évolutive, écologique et humaine.
propres de la forêt, sont riches d’égards pour elles. Parce que ces sylviculteurs ont accompli la circulation empathique parmi les points de vue de la forêt, de ses acteurs sauvages : Ils prennent en compte le point de vue de leur ancienne « ressource ». À l’inverse, les sylvicultures monoculturelles dont les investisseurs vivent à des milliers de kilomètres des forêts exploitées, et dont la fonction est de transformer les parcelles en usines à bois pour nourrir les marchés mondiaux, sont un opposant aux interdépendances qui tiennent ensemble les acteurs vivants du milieu.
Je ne dis pas que faire la part entre alliés et opposants est désormais évident: je propose une boussole pour naviguer un peu mieux à la lumière d’analyses concrètes, dans des situations inextricables. Le jeu des alliés avec qui négocier et des ennemis à combattre ne se fait plus à la lumière des camps (celui des humains, celui de la nature, celui des loups, celui des bergers, celui des arbres, celui des décroissants, celui des capitalistes) mais à la lumière des interdépendances qui fondent la vie d’un milieu. C’est une boussole fragile, J’en ai conscience, mais c’est le mieux que j’aie trouvé jusqu’ici pour apporter un peu de lumière dans notre conjoncture si sombre ; et peut-être servira-t-elle à clarifier certaines situations.
La tentative de sentir depuis le point de vue des interdépendances permet alors une nouvelle cartographie politique dans laquelle décentrement empathique et exigence de lutter n’apparaissent plus incompatibles. Car armer le point de vue des interdépendances ne revient pas à une empathie consensuelle et pacificatrice envers tout le monde indistinctement, mais à une autre manière de faire émerger les amis et les ennemis. Ce ne sont plus les ennemis de mon camp humain extrait des tissages avec les vivants, mais les ennemis du tissage lui-même. Et il y a bien des luttes nécessaires et possibles depuis le point de vue des interdépendances: précisément, contre tous usages de la terre qui détruisent ou méprisent les
interdépendances. Cette lutte se mène au nom d’une communauté d’importance multispécifiques, d’une trame d’interdépendance soutenable, contre les usages humains qui la mettent en danger.
Voir du point de vue des interdépendances, C’est faire saillir en toute clarté les ennemis du tissage. Cela politise « mieux» parce qu’on ne défend plus des idées hors sol, mais des communautés d’importance, des transformations collectives de l’usage des territoires vivants, qui font justice à leur histoire évolutive, écologique et humaine.
C’est néanmoins inconfortable, car des siècles de philosophie politique libérale nous ont appris le contraire: le camp était l’unité politique stable (ici on murmure du bout des lèvres: l’interdépendance est l’unité politique métastable). Le camp était ce qui exigeait l’identification empathique fermée (drapeau, hymne, patrie) et l’interdiction de toute circulation empathique jusque dans le camp d’en face (les ennemis de la nation voisine sont des cafards, les migrants des invasifs, les étrangers des barbares). Ce modèle a dérivé dans toutes les formes de luttes entre camps: les pro-loups n’ont pas le droit d’avoir de l’empathie pour les éleveurs, sous peine d’être accusés de trahison ; les éleveurs n’ont pas le droit d’évoquer, en se décentrant, le droit des loups à l’existence, sous peine de représallles parfois violentes de la frange radicalisée anti-loups du pastoralisme.
Dans l’approche ébauchée ici, il faut au contraire que l’empathie circule jusque chez les « ennemis», entre tous les camps, pour ensuite voir clair sur qui, malgré les tissages qui le fondent, s’oppose à eux: qui les détruit, et ne joue pas le jeu de ce qui le fait vivre.
Cette circulation, opérée par n’importe qui, venant d’un camp ou d’un autre, est capable de le pousser même contre son gré à sentir le milieu du point de vue des interdépendances. Alors le problème se pose autrement: comment créer, faire lever des agencements créatifs, nouveaux, qui rendent visible la communauté d’importance, la rendent réelle. Cet agent au service des relations constitutives devient la mémoire vive des interdépendances, il se dresse pour elles, il» les rappelle à ceux qui les oublient, toute en étant une force créative pour ouvrir des chemins de l’action, et faire bouger les lignes – ce qui est permis par le point de vue nouveau lui-même (en montagne, chacun sait combien le paysage change quand on le voit depuis un autre col, un autre point de vue: des chemins neufs, qui demeuraient invisibles de partout ailleurs, se dessinent).
Baptiste Morizot, Manières d’être vivant.
Enquêtes sur la vie à travers nous, Actes Sud, Lonral, 2020.
Enquêtes sur la vie à travers nous, Actes Sud, Lonral, 2020.
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